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phase du débat que des solutions incomplètes par voie de transactions et d’atermoiements dont la faiblesse n’est que trop évidente. Maintenant on se repose de cette laborieuse logomachie ; mais à l’agitation diplomatique en a succédé une autre qui n’est cependant pas tout à fait étrangère à la première, et qui en est jusqu’à un certain point le contre-coup dans la politique intérieure de l’Allemagne.

Ce qui a surgi tout récemment de l’autre côté du Rhin, ce n’est rien moins que la pensée d’un remaniement de la constitution fédérale, une reprise timide des malheureux essais de 1848, une aspiration vague à relever une tribune allemande et à relier dans le cadre d’une organisation nouvelle des forces qui s’annulent par leur division. Ce mouvement se rattache à la question d’Orient, parce qu’un grand nombre d’esprits ardens et généreux ont souffert pour leur pays, pour l’honneur du nom allemand, de l’égoïste et impuissante neutralité qui a été le dernier mot du groupe d’états dont la diète de Francfort représente la vie extérieure et la politique collective. Ils croient que l’Allemagne ne devait pas abdiquer à ce point dans une affaire où il y va de l’équilibre général, de la sécurité de l’Europe, de l’affranchissement des bouches du Danube et de la liberté de la Mer-Noire. Ils s’indignent d’un pareil effacement, désavouent comme un outrage les sympathies qu’il laisse soupçonner, et cherchent un remède à cet abaissement dans l’introduction à la diète d’un élément national qui pourrait faire partager à cette assemblée de ministres liés par leurs instructions quelques-unes des émotions du patriotisme germanique. N’est-ce pas un rêve ? Peut-être. On rêve beaucoup à Munich, à Stuttgart, à Gotha ; on y caresse l’idéal trop souvent ; on y fait un monde, et surtout une Allemagne tout d’une pièce, au lieu de tirer le meilleur parti possible de celle qu’on a sous la main. Nous croyons donc que cette agitation, qui a cependant fait échanger quelques idées entre plusieurs cabinets, tombera d’elle-même, car elle à une origine parlementaire et une couleur libérale qui la rendra fort suspecte à Vienne ; d’un autre côté, quoique le cabinet de Berlin affecte toujours de ménager certaines tendances constitutionnelles dans les états allemands comme en Prusse, sa politique n’a plus un caractère assez aventureux pour favoriser un changement aussi sérieux dans l’organisation de la diète que celui auquel visent les chefs de l’opposition en Bavière et en Wurtemberg, surtout quand il se mêle à ces idées un mouvement vers l’alliance occidentale.

Au reste, l’assemblée fédérale, composée comme elle l’est, n’en a pas moins souvent à exercer en Allemagne une action modératrice, une espèce d’arbitrage élevé, qui témoignent de l’importance et de la vitalité de cette institution, tout imparfaite qu’elle soit. Les gouvernemens et les peuples des petits états se prêtent sans trop de répugnance à invoquer ou à reconnaître son intervention dans certaines difficultés qui surgissent entre le pouvoir et les sujets à propos de leurs droits ou de leurs prétentions respectives. Ainsi le collège du trésor de Hanovre vient de porter plainte à Francfort contre des dépenses ordonnées par le ministère qui a récemment modifié la constitution du pays, et sans la sanction des chambres et en dehors des prévisions du budget légalement voté. Ce sera une des affaires les plus importantes dont la diète aura à s’occuper lors de la reprise de ses travaux, et le cabinet hanovrien parait compter sur son approbation dans ce conflit, qui