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d’Israël ne remonte pas probablement au-delà du VIIIe siècle avant notre ère, à côté de fragmens antiques, conservés d’une manière presque textuelle, il peut s’y trouver des morceaux beaucoup plus modernes, et auxquels doivent s’appliquer des principes de critique entièrement différens.

Les pénétrans et doctes philologues qui se sont voués en Allemagne à la discussion de ce curieux problème ont très bien aperçu, dans ces dernières années, où il fallait chercher l’analogie des procédés qui ont présidé aux transformations successives des écritures historiques des Hébreux : c’est dans l’historiographie arabe. Lorsque l’on compare en effet les unes aux autres les diverses classes d’historiens musulmans, on reconnaît que tous ne l’ont guère que reproduire un fond identique, dont la première rédaction se trouve dans la Chronique de Tabari. L’ouvrage de Tabari n’est lui-même qu’un recueil de traditions mises à la suite les unes des autres sans la moindre intention de critique, plein de répétitions, de contradictions, de dérogations à l’ordre naturel des faits. — Dans Ibn-al-Athir, qui marque un degré de rédaction plus avancé, le récit est continu, les contradictions sont écartées, le narrateur choisit une fois pour toutes la tradition qui lui parait la plus probable et passe les autres sous silence ; des dires plus modernes sont insérés çà et là, mais au fond c’est toujours la même histoire que dans Tabari, avec quelques variantes et aussi quelques contresens, lorsque le second rédacteur n’a pas parfaitement compris le texte qu’il avait sous les yeux. — Dans lbn-Khaldoun enfin, la rédaction a passé, si j’ose le dire, une fois de plus au creuset. L’auteur mêle à son récit des vues personnelles ; on voit percer ses opinions et le but qu’il poursuit. C’est une histoire arrangée, complétée, vue à travers le prisme des idées de l’écrivain.

L’historiographie hébraïque a traversé des degrés analogues. Le Deutéronome nous présente l’histoire arrivée à sa dernière période, l’histoire remaniée dans une intention oratoire, où le narrateur ne se propose pas simplement de raconter, mais d’édifier. Les quatre livres précédens laissent eux-mêmes apercevoir les sutures de fragmens plus anciens, réunis, mais non assimilés dans un texte suivi. On peut différer sur la division des parties, sur le nombre et le caractère des rédactions successives, et il faut avouer que M. Ewald, en poursuivant sur tous ces points une rigueur impossible à atteindre, a dépassé les bornes que la critique sévère doit s’imposer ; mais on ne peut plus douter du procédé qui amena le Pentateuque et le Livre de Josué à leur état définitif. Il est clair qu’un rédacteur, jéhoviste (c’est-à-dire employant dans sa narration le nom de Jéhovah) a donné la dernière forme à ce grand ouvrage historique, en prenant