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firent David, les Phéniciens, les Carthaginois, les khalifes. La conquête musulmane elle-même s’accomplit sans organisation et sans tactique ; le khalife n’a rien d’un souverain ni d’un chef militaire ; c’est un vice-prophète. Le plus illustre représentant de la race sémitique de nos jours, Abd-el-Kader, est un savant, un homme de méditation religieuse et de fortes passions, plutôt qu’un soldat. Aussi l’histoire ne nous offre-t-elle aucun grand empire fondé par des peuples sémitiques ; le judaïsme, le christianisme, l’islamisme, voilà leur œuvre, œuvre toujours identique et toujours dirigée vers le même but : simplifier l’esprit humain, bannir le polythéisme, écrire en tête du livre des révélations ce mot qui a rendu à la pensée humaine un si grand service en effaçant les complications mythologiques et cosmogoniques où se perdait l’antiquité profane : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »


II

C’est deux mille ans environ avant notre ère que le regard de l’historien s’arrête avec quelque assurance sur cette famille prédestinée. Une émigration de Sémites nomades à laquelle se rattache le nom de Tharé ou Térach quitte les montagnes de l’Arménie et se porte vers le sud. Il faut supposer qu’il y eut longtemps dans les montagnes du nord un foyer d’aristocratie monothéiste qui resta fidèle à ses mœurs patriarcales et à son culte élevé. Même en sortant de ce sanctuaire, les tribus émigrantes se regardaient comme liées envers Dieu par une alliance et un pacte spécial : c’est ainsi que nous voyons Abraham, Isaac, Jacob, continuant en Chanaan et en Égypte leur noble métier de pasteurs, riches, fiers, chefs d’une nombreuse domesticité, en possession d’idées religieuses pures et simples, traversant les diverses civilisations sans s’y confondre et sans en rien accepter. Abraham, personnage définitivement historique et réel, conduit l’émigration en Palestine. Il n’y était pas du reste le premier de sa race, car, indépendamment des Chananéens, il y trouva un chef sémite et monothéiste comme lui, Melchisédech, avec lequel il fit amitié. Cependant la Mésopotamie resta longtemps encore le centre de la famille térachite, et c’est là que l’aristocratie, fidèle aux idées sémitiques sur la pureté du sang, envoya, jusqu’à son entrée en Égypte, chercher des femmes pour ses fils.

La vie d’Israël à cette époque est celle d’un douar arabe, avec son prodigieux développement d’individualité et de poésie, mais d’un autre côté avec son manque absolu d’idées politiques et de culture intellectuelle un peu raffinée. On ne sait guère quel fut le résultat des premiers contacts de la tribu israélite avec l’Égypte et les Chananéens.