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remèdes ne pouvaient rien contre le mal mystérieux qui travaillait Israël. Les pharisiens remportent : or qu’étaient les pharisiens ? Les continuateurs de la vraie tradition, les fils de ceux qui résistèrent durant la captivité, qui résistèrent sous les Macchabées, les ancêtres des talmudistes et de ceux qui montèrent sur les bûchers du moyen âge, les ennemis naturels de tous ceux qui aspiraient à élargir le sein d’Abraham.

Ainsi se maintint jusqu’au bout la grande loi qui domine l’histoire d’Israël, la lutte de la tendance libérale et de la tendance conservatrice, lutte où, pour le bonheur du monde, la pensée conservatrice a toujours eu le dessus. Celui qui étudie cette histoire d’après nos idées modernes, reflet des idées de la Grèce et de Rome, est scandalisé à chaque pas : il doit être pour Saül contre Samuel, pour Isboseth contre David, pour les rois contre les prophètes, pour les Samaritains contre les Juifs, pour le parti helléniste contre les Macchabées, pour les sadducéens contre les pharisiens. Et pourtant si Saül et Isboseth l’avaient emporté, Israël n’eût été qu’un petit état oublié de l’Orient, quelque chose comme Moab ou l’Idumée. Si les rois eussent réussi à étouffer le prophétisme, peut-être Israël eût-il égalé dans l’ordre des choses profanes la prospérité de Tyr ou de Sidon ; mais tout son rôle religieux eût été supprimé. Si les Macchabées ne s’étaient trouvés pour résister aux Séleucides, la Judée eût été un petit pays comme la Bithynie ou la Cappadoce, absorbée d’abord par la Grèce, puis par Rome. C’étaient, si l’on veut, des esprits étroits et arriérés que ces Juifs obstinés de Modin, des esprits fermés à toute idée de progrès, nullement doués du sentiment de l’art, incapables de rien comprendre à la civilisation brillante de la Grèce. On ne peut nier aussi que les sadducéens ne nous paraissent en beaucoup de choses supérieurs aux pharisiens. Toute l’histoire d’Israël prouve par un frappant exemple que la victoire n’appartient pas ici-bas aux causes qui semblent les plus raisonnables et les plus libérales : elle est à ceux que Jéhovah a choisis pour guider l’humanité vers les terres inconnues que les oracles divins lui ont promises.

Le moment était venu où la pensée large et la pensée étroite allaient se livrer un dernier combat, et où les deux tendances contraires qui s’agitaient en Israël étaient près d’aboutir à un déchirement. D’une part, en effet,Israël avait une mission essentiellement conservatrice ; de l’autre, il s’adjugeait hardiment l’avenir. Le jour où cet avenir s’ouvrit, il était facile de prévoir que la synagogue obéirait à son éternelle maxime : espérer toujours et toujours résister. De là la fausse position d’Israël en présence du christianisme et l’origine de cette haine irréconciliable que dix-huit siècles ont àpeine