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Logez mistress Collins et la jeunesse dans la région fraîche de Castellamare… » A chaque instant reparaissent ces témoignages de bon souvenir donnés par Wilkie à son filleul, et qui trouvent leur place parmi les considérations les plus élevées sur les diverses écoles de peinture italiennes, sur les procédés habituels aux grands maîtres, sur la manière dont il faut savoir interpréter ces glorieux modèles. À un enfant bien doué peut-on souhaiter mieux qu’un pareil apprentissage de la vie et de l’art ? Une course enchantée à travers les magnifiques paysages de la Toscane et de Naples, l’étude des temps classiques faite sur le théâtre même des grands événemens qu’ils virent s’accomplir, la peinture, la sculpture, interrogées tout d’abord à leurs plus éclatantes origines et sous la direction d’un artiste éminent, n’y a-t-il pas là de quoi développer une intelligence moyenne, et l’assimiler, par une culture tout exceptionnelle, aux intelligences d’un degré supérieur ? Et que ne peut-on espérer d’un esprit naturellement vif, stimulé par de tels enseignemens ! M. Wilkie Collins les reçut peut-être un peu trop tôt pour en tirer tout ce qu’ils pouvaient donner à son avenir littéraire, mais on s’assure aisément, en lisant ses ouvrages, qu’ils n’ont pas été perdus pour lui.

Son début dans le roman porte l’empreinte de ce précoce voyage en Italie. On devine que, dans le choix de son sujet, le jeune écrivain a été tout naturellement influencé par les réminiscences lointaines de « la terre où fleurit l’olivier. » Ces réminiscences ont coloré pour lui les pages de l’historien Gibbon, et il s’est senti le désir de repeupler par la pensée, telles qu’on les vit au Ve siècle, ces contrées magnifiques traversées par lui quatorze siècles plus tard. Nous ne croyons pas nous tromper en assignant cette origine au récit intitulé Antonina, ou la Chute de Rome, qui porte pour épigraphe (détail assez curieux) deux vers de la tragédie d’Alarique, par notre Scudéri[1]. Ce récit, qui d’une part fait songer aux Martyrs de Chateaubriand, et rappelle de l’autre un roman de Bulwer beaucoup plus en faveur chez nos voisins que chez nous (the Last Days of Pompeï), débute d’une manière saisissante, et, s’il tenait toutes les promesses de ce début, laisserait fort loin derrière lui le second des deux ouvrages que nous venons de mentionner.

Au sommet de la chaîne des Alpes qui confine aux plaines lombardes, parmi des rochers entourés de précipices, sur le bord d’un de ces petits lacs que les montagnes gardent quelquefois à leur cime, par un jour nuageux d’automne, une femme est debout sur le seuil d’une caverne. De cet endroit élevé, que la nature a disposé comme

  1. La ville cesse d’être :
    Le Romain est esclave, et le Goth est son maître.