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ne recevra pas le témoignage des valets contre leurs maîtres ; 4° il n’entreprendra la guerre que du consentement de la république ; 5° il ne s’absentera qu’à des époques ultérieurement fixées pour prendre le plaisir de la chasse ou de la pêche, et il restituera toutes les terres usurpées par son frère. » La lettre qui contenait ces stipulations a été conservée ; elle est signée de l’archevêque, du posadnik, du tysiatski et des principaux citoyens. Le prince accepta et confirma ces conditions par le serment sur la croix. Le serment fut violé cependant ; alors on expulsa le prince. Iaroslaf s’humilia et demanda grâce ; on refusa de l’écouter. Enfin, le métropolite de Kief étant intervenu en sa faveur, on le rappela et on l’admit à prêter de nouveau serment. Telle était à l’époque de la splendeur de Novgorod l’énergie de son gouvernement communal vis-à-vis des princes, qui étaient évidemment les subordonnés de la république plus encore que ses protecteurs.

Comment fut renversé ce puissant édifice communal ? Ce fut vers la fin du XVe siècle que le grand-prince de Moscou, Ivan III, s’avisa d’appeler Novgorod son patrimoine (1470). Sur ce seul mot, la cité se souleva et offrit au roi de Pologne de se placer sous sa protection. Trois armées, dont l’une était commandée par Ivan lui-même, marchèrent sur Novgorod. L’armée de la république, s’élevant à trente mille hommes de cavalerie, fut vaincue dans deux batailles, et Novgorod se soumit. Le vainqueur se montra modéré : il se contenta d’exiger la reconnaissance de ses droits et fixa un tribut annuel, mais ne toucha point aux anciennes libertés. À peine remise de cette secousse, Novgorod vit son existence de nouveau menacée. C’était en 1475, toujours sous le règne d’Ivan III. Un envoyé de la république à sa cour lui avait donné par flatterie ou par inadvertance le titre de gosoudar (seigneur souverain). Cette parole fut prise au sérieux par Ivan, qui dépêcha aussitôt, avec l’imprudent député, un secrétaire d’état vers Novgorod, pour savoir des représentans de la commune à quelles conditions celle-ci le reconnaissait pour son seigneur. Novgorod se souleva derechef, toujours dans l’espoir d’être secourue par la Pologne. L’envoyé d’Ivan fut chassé ; celui qui avait prononcé le mot fatal gosoudar fut massacré. Malheureusement, la résistance contre Ivan ne put se prolonger, et Novgorod sévit, avant d’avoir pu trouver un nouveau protecteur, à la merci d’un chef intraitable. Ivan exigea que la commune lui fût soumise au même titre que le reste de la Russie, ce qui prouve bien que jusqu’alors il n’en était pas ainsi. Pour transformer ainsi la constitution de Novgorod, il fallut enlever et déporter les principaux citoyens, même ceux qui n’avaient pas pris part à la sédition. Les biens des plus riches furent confisqués ; d’autres en grand nombre furent obligés d’échanger leurs terres contre