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betterave à sucre, ni tabac, pas même de colza ; c’est à peine s’ils font un peu de houblon, et ils ont laissé à l’Irlande le monopole du lin. Rien ne les détourne de ce puissant enchaînement de la culture alterne, qui tend à accroître dans une proportion indéfinie la production de la viande et du grain, poursuivi avec cet acharnement dans l’idée fixe qui caractérise leur race.

L’exposition des produits agricoles français présente un spectacle tout différent. Ici au contraire, la variété domine. Laines, soies, grains, huiles, vins, légumes, fruits, plantes textiles, tinctoriales, saccharifères, on ne finirait pas si l’on voulait énumérer tous ces produits. Rien ne montre le génie français sous un jour aussi favorable qu’une exposition ; là en effet la quantité qu’on obtient d’une denrée ne compte pour rien, la qualité et l’originalité sont tout. L’exposition française est beaucoup plus brillante que l’exposition anglaise ; malheureusement sous ces belles apparences se cache une bien moindre richesse réelle, parce que tous ces trésors ne sont que des exceptions. En veut-on un exemple ? Une des plus belles collections est celle de la ferme-école de Paillerols, dans les Basses-Alpes. À côté d’une précieuse espèce de froment, appelée touzelle blanche, qui donne peut-être la plus belle farine connue, on y voit de superbes échantillons de légumes et de fruits secs, des garances, des huiles, des cocons admirables, des vins de liqueur, enfin tout ce qui annonce la plus riche culture. Le pays d’où viennent ces fruits merveilleux est cependant le plus pauvre de France et un des plus pauvres de l’Europe ; la moitié du sol reste absolument inculte, et l’autre moitié a beaucoup de peine à nourrir une population clair-semée, qui diminue au lieu de s’accroître.

Cette réserve faite, je reconnais bien volontiers tout ce que notre exposition agricole renferme de remarquable. Pour les céréales, j’ai déjà cité M. Vandercolme ; j’en pourrais citer beaucoup d’autres. De tous les points de la France, on a envoyé des fromens, des orges, des avoines, des maïs et même des riz magnifiques. La plupart des laines, des soies, des huiles, des vins, méritent les mêmes éloges. Banni les cultures industrielles, la betterave occupe plus que jamais le premier rang. Ce n’est plus seulement du sucre, c’est de l’alcool que cette racine précieuse fournit maintenant au génie de nos inventeurs, et elle donne tous ces trésors sans rien perdre presque de ses ressources alimentaires : après avoir livré sa matière sucrée, sa pulpe nourrit encore un nombreux bétail et rend ainsi à la terre la plupart des élémens qu’elle lui a pris.

Les plus grands de nos établissemens agricoles reposent sur elle. Dans le département du Pas-de-Calais, un seul entrepreneur, M. Crespel de Lisse, cultive tous les ans 1,000 hectares en betteraves,