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le diamant ont obtenu des silicates fort durs, et qui pouvaient rivaliser avec toutes les gemmes. Cherchez et vous trouverez!

En comparant la France d’aujourd’hui à la France du commencement de ce siècle, on voit avec satisfaction combien l’intelligence et l’industrie ont augmenté sa richesse et son bien-être en même temps que sa population. La richesse immobilière a été accrue par les progrès de l’agriculture et par l’établissement des voies de communication. La richesse mobilière en argent, en bijoux, en pierres précieuses, en meubles, en objets d’art, en bibliothèques, en conservatoires, en collections de toute sorte, a encore plus gagné que la propriété foncière, et l’on peut dire de nos villes ce que disait Homère de quelques villes grecques, savoir que les maisons y tiennent en dépôt une grande masse de valeurs. Sous ce point de vue, Londres l’emporte de beaucoup sur Paris, comme Paris l’emporte sur Londres pour la qualité de sa population. Le seul point de richesse mobilière actuelle où il semble y avoir un peu d’infériorité, c’est dans le nombre des collections de pierres précieuses. Celles du baron Roger et de M. Hope ont été vendues et dispersées. Les diamans du duc de Bourbon ont été vendus sans respect pour leur origine, qui remontait à Charles le Téméraire. On pourrait croire que c’est la dissémination et l’abaissement des fortunes qui s’opposent à la formation de ces collections coûteuses : c’est une grande erreur, car les valeurs mobilières en livres, en tableaux et en meubles précieux sont tout aussi chères et improductives que les collections de gemmes; elles font moins d’honneur et de plaisir, et quand elles changent de maître, elles perdent infiniment plus. De toutes les dépenses de luxe, on peut donc hardiment établir que les diamans et les pierres précieuses sont la dépense la plus économique, surtout lorsqu’on choisit en connaisseur et guidé par un joaillier habile et consciencieux. Il n’est pas de société où l’exhibition des belles pierres d’une boite de choix n’attire l’attention générale. On acquiert peu à peu ces notions de géographie, de minéralogie, de physique, de chimie et de cristallographie, qui naturellement se lient aux contrées où le commerce va chercher ces beaux produits de la nature, à la manière de les tailler, de les monter, de les porter, et enfin à leur valeur commerciale. La possession d’une belle collection de pierres précieuses de premier choix n’est donc point un luxe inutile, dispendieux et frivole. Quand les premiers d’une société peuvent acheter des diamans, les derniers peuvent acheter des alimens; mais quand les premiers en sont réduits aux alimens ou même à la gêne, il y a longtemps que les derniers sont morts de faim. Comparez l’Europe occidentale à l’Europe orientale, et jugez.


BABINET, de l’Institut.