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leur grossière industrie contre les denrées qui manquaient à leurs pauvres montagnes. Comme ils avaient la réputation d’être les meilleurs fantassins de la Régence, et que dans certaines circonstances ils avaient loué leurs services militaires aux princes barbaresques, leur nom fut donné à la nouvelle milice. Celle-ci cependant reçut dans ses rangs tous les indigènes, sans distinction d’origine, montagnards ou hommes de la plaine, ouvriers des villes ou laboureurs, Kabyles, Arabes ou Coulouglis; mais il leur fallait des chefs. Des officiers et sous-officiers français furent chargés de les instruire et de les commander. C’étaient des volontaires comme notre armée en fournira toujours, les uns déjà rompus au service de l’infanterie comme Levaillant[1], d’autres engagés d’hier comme Vergé[2], d’anciens philhellènes comme Mollière[3], des officiers d’armes spéciales comme Lamoricière, tous hommes pleins de jeunesse et d’énergie, désintéressés, courageux, que n’attirait ni l’appât d’une solde plus forte, ni l’espoir de garnisons commodes, et qui, sans être arrêtés par l’incertitude de la récompense, affrontaient gaiement une vie toute de privations, de rudes travaux, de périls constans. Le commandement du 1er bataillon fut donné à un officier d’état-major distingué, M. Maumet. Le 2e bataillon, formé peu après, fut confié au capitaine du génie Duvivier, qu’un caractère ferme, un esprit réfléchi et des travaux remarquables[4] signalaient déjà à l’attention de ses chefs. Comme le recrutement des indigènes n’était pas très actif, comme il eût d’ailleurs été dangereux de laisser le cadre français isolé au milieu d’hommes qui ne pouvaient inspirer une entière confiance, et dont la langue était encore ignorée de tous leurs chefs, on jugea utile d’enrôler des Européens dans les zouaves. Les premiers volontaires de la Charte, que le gouvernement avait dirigés sur l’Afrique, y furent incorporés : on y reçut aussi quelques étrangers; mais bientôt le nombre des uns et des autres s’étant singulièrement accru, les Européens non français furent organisés en légion étrangère, et les nouveaux détachemens qui arrivaient de la capitale formèrent le 67e de ligne. Cependant on peut dire que le noyau des zouaves fut composé d’enfans de Paris et d’indigènes des environs d’Alger.

Six semaines à peine s’étaient écoulées depuis l’arrêté de

  1. Le général de division Charles Levaillant, commandant aujourd’hui la 5e division de l’armée d’Orient.
  2. Aujourd’hui général de brigade.
  3. Mort en revenant du siège de Rome, où il avait gagné ses étoiles après avoir été un des plus brillans colonels de l’armée.
  4. Le général Duvivier, mort à Pavie au mois de juin 1848 des suites de ses blessures avait publié avant 1830 une étude intéressante sur les guerres de la succession d’Espagne.