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aperçoit tout de suite, et qui, sans rien ôter à la grâce et à l’originalité des vêtemens, en ont fait le costume le plus leste et le mieux entendu, je crois, qu’ait jamais porté homme de guerre. Précieux pour les climats chauds, laissant les articulations libres, ne gênant ni la respiration ni les mouvemens, il protège bien le soldat contre les brusques changemens de température, et se prête facilement à toutes les additions que peut rendre nécessaires un froid plus vif et plus constant. Il n’est pas jusqu’au turban, en apparence si incommode, qui n’ait son utilité, tantôt laissé flottant sur la nuque, qu’il abrite du soleil, tantôt employé comme cache-nez, tantôt enfin, si la campagne est longue, s’en allant par pièces réparer les brèches de la veste et de la culotte[1]. Ce qui n’avait rien d’oriental, c’était la régularité, la propreté de la tenue des zouaves. Aucun soin de détail n’y était négligé. Ces soins peuvent paraître souvent minutieux et puérils à la garnison; mais à la guerre ils sont comme le symbole de la discipline, et influent plus qu’on ne le pense sur la santé et le bon esprit du soldat. En somme, les zouaves, tout en conservant cette intelligence individuelle qu’on remarque habituellement dans les troupes irrégulières, tout en restant de véritables enfans de Paris par leur verve et leur gaieté, eurent bientôt toute la solidité, toute la précision du plus brillant régiment. Honneur au digne chef qui a su obtenir un pareil résultat, et qui a fait des zouaves ce qu’ils sont aujourd’hui! Honneur aux soldats qui surent si bien le comprendre, aux officiers qui l’ont si bien secondé, et qui presque tous aujourd’hui, s’ils ont échappé aux périls de la guerre, sont parvenus aux premiers grades de l’armée[2] !

Le maréchal Clausel revint en Afrique en 1835. Homme de guerre de premier ordre, il reconnut aussitôt toutes les qualités acquises par le corps qu’il pouvait justement s’enorgueillir d’avoir créé. Il voulut emmener les zouaves dans la province d’Oran, où il allait entreprendre une série d’opérations plus importantes que toutes celles qui s’étaient succédé depuis 1830, opérations parfaitement conçues

  1. Les officiers seuls avaient conservé un uniforme européen d’une élégante austérité. Pour être revêtu convenablement par des officiers, le costume oriental aurait dû être riche, fort coûteux, et assez difficile à porter sans échapper au ridicule. On y renonça avec raison; seulement quelques officiers, lorsqu’ils étaient en route, échangeaient leur képi contre ce chaud bonnet de laine rouge que les Turcs appellent fez et les Arabes chechia. M. de Lamoricière n’était connu dans la province d’Alger que sous le nom de Bou-Chechia (le père au bonnet), comme il le fut plus tard dans la province d’Oran sous celui de Bou-Araoua (le père au bâton).
  2. Voici les noms de quelques-uns de nos généraux qui ont été officiers de compagnie ou même sous-officiers dans les zouaves : Le vaillant, Ladmirault, Maissiat, Barral (tué en Afrique), Drolenvaux (retiré du service en 1848), Blangini (mort en Afrique), Mollière (mort en 1849), Dautemarre, Répond. BosC, Bisson, Gardarens, Bourbaki, Vergé.