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industries métallurgiques se sont groupées : vers Charleroi, par exemple, où le bassin houiller va s’élargissant, vous êtes averti tout d’abord que vous touchez une terre industrieuse. Au silence des champs cultivés succède le bruit des roues, le hennissement des machines. Ici l’agriculture ne vient plus qu’en second ordre : partout l’activité, partout le mouvement, partout la vapeur. La terre deux fois possédée, en dessus et en dessous, jette de tous côtés ses richesses. Non content d’avoir conquis la surface du sol par la charrue, l’homme s’empare vaillamment des profondeurs ténébreuses de son domaine. Ici les entrailles de la terre sont même plus fertiles que la superficie. Ces tuyaux de brique, obélisques de l’industrie, qui s’élèvent de toutes parts, ces colonnes de fumée, girouettes mobiles qui suivent et indiquent la direction du vent, ces rugissemens de l’eau et de la flamme dans de vastes fabriques où le marteau tombe et retombe, soulevé par des bras invisibles, ces poumons de forge qui soufflent avec un bruit haletant, ces machines animées d’une force intelligente et surhumaine, ces usines où le fer se tord en serpent de feu sous le laminoir, ces verreries où la matière obéit au souffle de l’ouvrier, ces villages qui sont des villes et ces villes qui sont des manufactures, ce ciel fuligineux et comme chargé des atomes du travail, tout nous annonce que la présence de la houille avive autour d’elle les autres élémens de la richesse publique. Là aussi la circulation est plus active qu’ailleurs : des fleuves couverts de bateaux, des canaux creusés pour le transport des produits métallurgiques et du chauffage, des chemins de fer sur lesquels on entend bondir le troupeau des locomotives, et le long desquels on voit courir les noirs wagons chargés de houille, n’est-ce point plus qu’il n’en faut pour nous révéler tout d’abord l’influence exercée par l’industrie des mines sur toutes les autres industries ?

On a lieu de s’étonner du développement des charbonnages belges et du mouvement imprimé par le combustible fossile aux autres branches du commerce, quand on songe que l’art d’exploiter les mines est un art relativement nouveau. Quelques travaux à ciel ouvert ou entamés seulement à des profondeurs insignifiantes, mal conduits, ne laissaient nullement soupçonner jusqu’ici la puissance économique du charbon de terre. L’homme, aidé de ses bras et de quelques pauvres outils, était d’ailleurs impuissant à vaincre la résistance des roches, l’opposition des eaux, et les autres obstacles que rencontre l’extraction de la houille : pour descendre vaillamment dans le sein de la terre, il lui fallait le secours des machines. Quelques moteurs artificiels furent employés; mais à ces premières mécaniques il manquait une âme, la vapeur. Par la découverte de la vapeur, l’homme s’est fait un parti, si l’on ose ainsi dire, parmi les