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sont les témoins une sorte d’enthousiasme, et la vue des travaux souterrains donne un grand sentiment d’estime pour ces professions manuelles, trop longtemps dédaignées. L’art du mineur exige le concours de facultés éminentes : le courage, la sûreté du coup d’œil, la précision des mouvemens, une sorte de génie pratique. Quant à l’art de tuer les hommes on préférera celui de les enrichir, ces utiles travaux prendront rang dans la hiérarchie des services, et recevront les honneurs qui s’adressaient autrefois à la guerre seule. Si l’on fait consister la valeur du soldat dans le courage avec lequel il expose sa vie, l’ouvrier mineur a des droits au moins égaux à notre admiration. Cette lutte de l’homme contre les élémens donne lieu à des accidens graves et compliqués. La mine constitue un champ de bataille perpétuel : l’ennemi est là. A de certaines profondeurs, tout devient pour l’homme un danger : les éboulemens écrasent ou mutilent, la poudre tue; les machines, alliées sûres quand elles sont maniées avec art, deviennent trop souvent des ennemies intraitables qui ne pardonnent point la moindre négligence. On n’exagère rien en comparant les travaux de la mine à un siège en règle. Il y a en effet une manière d’attaquer la roche; il y a un exercice en plusieurs temps, le forage du trou, la charge ou l’introduction de la poudre, le bourrage, l’amorce du coup, la cartouche. L’ouvrier qui met le feu risque d’être victime de l’explosion, s’il n’a point calculé avec exactitude et sang-froid ses moyens de fuite; mais il semble que l’esprit devienne plus réfléchi dans l’obscurité, et que la puissance humaine grandisse au milieu des obstacles. Un héroïsme anonyme, et qui s’ignore lui-même, recommande aux yeux de l’économiste cette classe d’ouvriers qui, selon la parole d’un ministre belge, consacrent, au milieu des périls, leur existence au développement de la richesse publique.

Un des premiers obstacles que l’art du mineur a dû surmonter a été l’accumulation des eaux dans le sein de la terre. A peine êtes-vous engagé dans la bouche du puits que vous voyez une sueur abondante couler le long des parois de brique; plus vous avancez dans la mine, et plus l’humidité augmente. Touchez les murs, les voûtes, les charpentes; tout ruisselle. Cette rosée souterraine provient des pluies qui tombent à la surface du sol : les eaux s’infiltrent à travers les bancs de terrain, et descendent, descendent toujours, jusqu’à ce qu’elles rencontrent une roche plus ou moins imperméable sur laquelle elles s’arrêtent. Chemin faisant, elles tracent des sources, des ruisseaux, quelquefois même de vastes nappes (palus inainabilis unda) qui ne tarderaient point à inonder les travaux, si l’art n’intervenait et ne portait un remède au mal. Dans les commencemens, cet ennemi sourd, incessant, opposait partout un obstacle aux ouvrages et aux conquêtes de l’homme. C’était le fameux huc usque venies et