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et les courans qui traversaient ces terres, vous ne les trouverez plus; les mers dans lesquelles ces rivières se déchargeaient ont changé de place. Enfin les plantes dont le charbon est fait appartenaient à des espèces qui, depuis lors, se sont évanouies de nos climats. La vue de ces lieux inspire un sentiment de pitié pour la grandeur et la solidité des institutions que l’homme croit fonder à la surface de sa planète. Nos poètes modernes aiment à établir un contraste entre l’inconstance des sentimens humains et la stabilité de la nature : cette antithèse n’est point irréprochable aux yeux de la science, car la nature elle-même change, prœterit enim figura hujus mundi. La terre est un organisme qui croît; elle a, comme les êtres qui l’habitent, des parties successivement formées et engendrées les unes des autres; ce qu’elle est aujourd’hui, elle ne l’était pas hier, elle ne le sera pas demain, si par hier et par demain nous entendons des époques d’une immense durée, des évolutions de temps que nos calculs mathématiques ne sauraient atteindre ni mesurer. Ainsi tout passe, et il n’y a d’éternel dans le monde que le mouvement.

Ce qui est maintenant une couche a été un âge de la nature, — l’âge carbonifère. Le spectacle des mines de houille n’a-t-il rien à nous apprendre sur l’histoire de cette époque reculée ? On se demande d’abord s’il existait alors des animaux à la surface de la terre : la réponse à cette question doit être cherchée dans le livre où se trouve écrit en abrégé, et pour ainsi dire en caractères sténographiques, le langage même des faits. Les fossiles d’animaux sont très rares dans le terrain houiller : en Belgique, les directeurs de mines et les ingénieurs que nous avons interrogés n’en connaissent pas. Il est pourtant avéré que la vie animale avait commencé sur le globe avant la période carbonifère : on retrouve dans des terrains plus anciens que le terrain houiller des traces nombreuses de zoophytes, de crustacés et même de poissons; mais, à en croire le journal dans lequel la terre a noté ses souvenirs, il y aurait eu, durant l’époque où s’est formé le charbon, un temps de repos pour la nature animée. Soit que durant cet âge la somme des êtres vivans ait été réduite par des causes qu’il est difficile de pénétrer, soit que la composition chimique du terrain houiller n’ait point été favorable à la conservation des débris d’animaux, il nous faut constater l’indigence de la faune carbonifère. Il a été trouvé du côté de Liège des coquillages fossiles, mais en petit nombre, et seulement dans quelques houillères. Quand les forces de la nature s’évanouissent sur un point, elles se portent alors sur un autre : la période carbonifère a été l’ère du règne végétal par excellence. Chaque fois que nous sommes descendu dans les mines de houille, nous avons été frappé du grand nombre d’empreintes de feuilles et d’écorces d’arbres qui d’étage en