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tant que je vivrai, on ne descendra pas plus bas, car, dans ces 600 mètres de profondeur, nous avons plus de charbon enterré que les bras de nos quinze cents ouvriers n’en peuvent extraire pendant plus d’un demi-siècle. » A la vue de la consommation énorme et chaque jour croissante du charbon de terre, quelques économistes se sont alarmés cependant pour l’avenir de l’humanité. Ils se sont dit que rien n’était inépuisable en fait de matériaux, et que, la houille ne se reproduisant plus dans la nature, il y avait lieu de se demander avec quoi nos descendans se chaufferaient, avec quoi ils alimenteraient les machines à vapeur et les locomotives. Il n’y a rien d’inépuisable sans doute, mais voici des calculs qui sont de nature, si je ne me trompe, à nous rassurer : des statisticiens anglais ont évalué que, même en comptant sur l’accroissement des besoins et sur le progrès de l’industrie, les seuls gîtes houillers découverts jusqu’à présent suffiraient à entretenir le monde de charbon de terre pendant encore quatre mille ans. On voit donc que nous pouvons nous chauffer en toute sûreté de conscience.

Il a fallu une végétation d’une richesse infinie, prolongée pendant des périodes de temps considérables, avant de remplir ces magasins de la nature qu’exploite aujourd’hui l’industrie humaine. Quand on songe d’ailleurs que ces masses carboniques ont, pour ainsi dire, flotté dans l’air à l’état gazeux, qu’elles ont circulé autrefois dans les organes des plantes, que la minéralisation de ces plantes a été le résultat de causes lentes, tranquilles, silencieuses, on ne doute point que l’âge carbonifère n’ait été d’une incalculable durée, et qu’il n’ait réuni les conditions les plus favorables au développement de la vie végétale. S’il est permis de comparer le cours de la création à l’ordre des saisons mesurées par le soleil, on peut dire que l’époque carbonifère a été l’âge d’or de la végétation, le printemps de la grande année, comme l’appellent les géologues anglais. On a cherché quelles pouvaient avoir été les causes de cette exubérance, auprès de laquelle la verdure des plus riches savanes actuelles et des îles les plus chaudes n’est encore que stérilité. Quelques savans ont imaginé l’existence d’une atmosphère surchargée d’acide carbonique. Dans l’état présent de la nature, le gaz acide carbonique se dégage perpétuellement des sources d’eau minérales, du cratère des volcans, de la surface même du sol ; il se peut qu’à l’époque où le charbon s’est formé, ces évaporations gazeuses aient été plus considérables qu’elles ne le sont maintenant; mais c’est surtout dans la position relative de la terre et de la mer qu’il faut chercher l’origine de la végétation propre du terrain houiller. Les continens actuels n’existant pas et les terres qui s’avancent maintenant vers le nord n’ayant point été soulevées, le monde d’alors se trouvait exempt de ces influences polaires qui sont