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les terribles effets du grisou : eh bien ! la présence de cet ennemi des mineurs, qui les expose à des coups de feu meurtriers, leur rend d’un autre côté un véritable service, en ce qu’il force les propriétaires à introduire de l’air dans les travaux. C’est ainsi que les fléaux ont quelquefois leur utilité. Dans les fosses au contraire où ce mauvais génie n’est point à craindre, on néglige trop souvent de pourvoir avec libéralité aux exigences de la respiration humaine. Les médecins belges reconnaissent tout de suite dans une assemblée les ouvriers qui appartiennent à des charbonnages où la ventilation est imparfaite. Ils les reconnaissent à une coloration grisâtre, signe avant-coureur de l’anémie. La pauvreté de l’air est un mal auquel on peut remédier, et sur lequel nous appelons l’attention des inspecteurs; mais il n’en est point ainsi de toutes les autres causes d’insalubrité, telles que le passage brusque d’une atmosphère chaude dans une atmosphère froide, la privation constante de la lumière du soleil, l’accumulation des ouvriers dans des espaces bas, resserrés, et où l’air est chargé de poussière noire. La combustion des lampes dégage des suies qui s’introduisent dans la cavité des poumons, ces cheminées de la respiration animale, si l’on ose ainsi dire, et qui donnent lieu à une des maladies du métier, la mélanose carboneuse. Où l’on peut se faire une idée des influences délétères de la mine, c’est à l’époque du recrutement dans les villes qui avoisinent les grands charbonnages. L’organisation des jeunes gens que la loi appelle sous les drapeaux est sensiblement altérée par le caractère des lieux où ils ont vécu et par la nature des travaux auxquels ils se livrent depuis l’enfance. On en voit dont le dos a, pour ainsi dire, pris la courbure des voûtes sous lesquelles un dur exercice les condamne à s’incliner. Cette déformation des traits physiques amène trop souvent une vieillesse anticipée, une mort précoce. La moyenne de la vie est très certainement plus courte pour les ouvriers mineurs que pour les ouvriers des autres corps d’état. « N’est-il pas désolant, s’écrie un médecin belge, d’entendre dans le Borinage cette voix de Jérémie : Où est l’homme de quarante-cinq ans dont la santé ne soit point flétrie ? » Cet appauvrissement des forces est dans plus d’un cas la suite d’un excès de travail, combiné avec d’autres excès plus blâmables et avec une nourriture insuffisante. Dans les temps d’activité comme les nôtres, il y en a qui font des journées de douze, de quatorze et même de dix-sept heures : ils gagnent ainsi jusqu’à trente-cinq et quarante francs par semaine, mais ils se tuent. En général, le régime alimentaire des mineurs belges est pauvre : ils se nourrissent de pain recouvert de beurre; rarement de la viande, peu de soupe. Ils ne mangent point volontiers dans l’intérieur de la mine; cette atmosphère lourde, étouffante, chargée de poussière de charbon, excite peu l’appétit. Ce