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femmes se livrent chez elles aux œuvres de la famille et du ménage; quelques-unes tiennent de petits commerces ou exercent des professions : l’une d’elles est accoucheuse jurée, dit l’affiche. La parfaite identité des maisons, qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, ne forment réellement qu’une maison plusieurs fois multipliée par elle-même, aurait quelquefois donné lieu, s’il faut en croire la chronique locale, à des méprises plus communes dans les vaudevilles que dans la vie réelle : plus d’un mineur, revenant de la fosse aux heures de nuit, se serait trompé d’habitation et ne se serait aperçu que tard de son erreur. Ce qui rend ces histoires vraisemblables, c’est que la nuit toutes les clés sont sur les portes et qu’une lumière veille à presque tous les rez-de-chaussée, pendant que la femme et les enfans dorment. Le dimanche, cette population, noire des travaux de la semaine, change tout à coup de caractère : les visages sont lavés, les habits sont neufs, le linge est blanc. Nous avons vu les ouvriers du charbonnage se livrer entre eux, les jours de fête, aux délassemens et aux récréations; leur joie est un peu bruyante, comme celle des hommes tristes. Ces plaisirs sont d’ailleurs peu variés : une partie du gain de la semaine se dissipe dans des estaminets, dont quelques-uns ont du moins le luxe de la propreté. Les fumeurs se réunissent autour d’un feu homérique dont la source est à deux pas de là. L’habitant des cités ouvrières jouit de certains avantages. Il ne faudrait pourtant point exagérer les faits, ni couvrir trop ces organisations du manteau de la philanthropie : ce sont des spéculations licites, sans aucun doute, et à quelques égards utiles; mais enfin ce sont des spéculations. Les maisons de la cité ouvrière se louent 120 francs par an, et le prix de la location est retenu toutes les semaines sur le salaire de l’ouvrier. Il en résulte pour les propriétaires de ces mines, qui sont en même temps les propriétaires de ces maisons, deux avantages : le premier qui est d’éviter les non-valeurs, et le second qui est de fixer sur le théâtre de leurs charbonnages des ouvriers d’élite. Dans une industrie où ce n’est point la matière qui manque, mais la main-d’œuvre, on comprend en effet que c’est un point capital de retenir les mineurs habiles : or les affections de l’homme s’enracinent avec les relations de famille et de voisinage, avec les arbres du jardin qu’il cultive et dont il recueille les fruits.

Les charbonnages belges, quoique déjà si prospères, ne sont encore qu’à leur naissance. Il y a trente ans, l’industrie des mines de houille n’inspirait aucune confiance aux capitalistes. On se souvient, dans la province du Hainaut, d’avoir vu payer les ouvriers en actions : ceux qui ont conservé ces actions sont aujourd’hui d’assez riches propriétaires; mais il s’en faut de beaucoup que cette monnaie de papier obtînt alors la faveur qu’elle méritait. Quelques-unes de ces actions,