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nation, envisagent la grandeur morale du travail et la richesse économique de l’Europe. La prospérité commerciale et industrielle dépend aujourd’hui, en première ligne, de la distribution locale du combustible; mais, grâce à la loi toute fraternelle des échanges, les productions de l’art et de la nature tendent à s’équilibrer, les nations se rapprochent, et le niveau de la civilisation s’élève. L’industrie de la houille n’est point une industrie isolée; le développement des machines, la circulation par terre et par eau, les rapports des races entre elles, le sort d’une notable partie de la classe ouvrière, tout s’y rattache : nous avons montré qu’elle n’était même point étrangère aux progrès de la science. Et son règne ne fait que commencer. Il lui reste maintenant à généraliser ses services par la réduction des tarifs; il lui reste à répandre sur les populations du nord les bienfaits du chauffage, aussi nécessaire que le pain et la lumière; c’est son intérêt autant que celui des classes malheureuses, car il en est des forces économiques comme de toutes les forces humaines et naturelles : elles s’accroissent en se modérant. L’élévation exagérée du prix des produits tourne à la fin contre toutes les branches d’exploitation qui abusent d’une suprématie industrielle et commerciale. Nous avons vu que les travaux des mines avaient suivi une voie de progrès et de transformation rapide; or l’intervention des machines, les lumières de la science, les conquêtes de l’homme sur l’aveugle nature, n’auraient point de sens, si tout cela ne contribuait à réduire la valeur numéraire des produits en les multipliant. Les forêts cèdent aujourd’hui la place à la culture du blé; mais la terre y a pourvu en ménageant à l’homme, dans le cours de ses mystérieuses formations, les ressources du combustible minéral. Les magasins sont assez vastes, et le travail est de nos jours assez inventif pour que cette réserve suffise à tous les besoins. Quelques économistes belges, plus zélés que réfléchis, auraient voulu que le gouvernement intervint pour réfréner les prétentions de l’industrie houillère en prohibant l’exportation, ou du moins en la frappant de charges considérables. Il est peu probable que ce système triomphe jamais : en Belgique, on est d’avis que la liberté se protège elle-même, et que dans tous les cas il y a moins d’inconvéniens à étendre le marché de la houille qu’à le rétrécir.


ALPHONSE ESQUIROS.