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lorsqu’il me rappela et dit : — Docteur, puis-je aller pendant une heure à l’étalage du bouquiniste ?

— Non, certainement, si vous voulez être promptement débarrassé de votre toux.

— Eh bien ! alors voulez-vous demander à M. Mac Tavish s’il a trouvé le troisième volume du Traité sur le mariage, par un savant médecin du XVIe siècle ? et s’il l’a trouvé, voulez-vous me l’apporter la première fois que vous viendrez ?

Deux jours après, je portai le vieux bouquin à mon malade, qui avait été obéissant à mes injonctions, et que je trouvai presque délivré de sa toux. L’état de sa santé et mon empressement à l’obliger l’avaient disposé plus favorablement à mon égard, et pour la première fois il causa avec moi poliment.

— Vous êtes le premier médecin qui, je crois, ait soulagé son malade, me dit-il. Ces médecins, c’est un troupeau de gens rapaces qui font la chasse aux dollars ; mais peut-être avez-vous un remède particulier pour la toux, et ne pourriez-vous rien faire contre une autre maladie ?

Je répondis que j’espérais qu’il ne me donnerait pas l’occasion de montrer mon habileté, mais que je croyais pouvoir être également utile dans d’autres maladies.

— Hum ! reprit-il. Il resta muet pendant quelques minutes, et j’aurais quitté la chambre, si je ne m’étais pas aperçu qu’il avait quelque chose à me dire.

J’attendis donc pour lui permettre de parler.

— Docteur, me dit-il enfin, je crois que vous êtes un jeune homme discret ; je vous ai jugé ainsi dans nos rencontres chez le bouquiniste. Quel âge avez-vous ?

— Un peu plus de trente ans, répondis-je en souriant.

— Hum ! vous êtes marié ?

— Oui, et j’ai deux enfans.

— Vous êtes trop jeune, monsieur, trop jeune pour le mariage, trop jeune de trente ans, ou au moins de vingt. Écoutez ce que dit le savant Godolphin. Ah ! monsieur, il n’y a plus de médecins sur la terre depuis l’époque où écrivait Godolphin ; les médecins d’aujourd’hui ne sont plus que des empiriques. Je vais vous lire l’extrait suivant du traité de Godolphin sur le mariage, tome II, chapitre XVI, page 301 : « Et alors, si on est dans la pleine vigueur de l’esprit et du corps, et si l’on n’est pas adonné à la débauche, à l’incontinence ou à la gloutonnerie, je crois que l’âge de soixante ans est le bon âge pour prendre femme, car à cet âge mûr l’homme a abandonné la folie et commencé à chercher la sagesse ; son corps et son esprit sont arrivés à leur parfaite maturité. » — Pour moi, continua le vieux gentleman, je suis tout à fait de l’avis du savant et excellent