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et répandues avec profusion par les soins de la Russie dans tous les pays auxquels elles s’adressaient, et y engendrèrent contre l’Angleterre des sentimens d’amertume qui ne s’éteindront pas facilement. Aussi, pendant que le gouvernement français voyait accourir à son premier appel des masses de volontaires étrangers, lord Palmerston était obligé de déclarer l’autre jour dans le parlement qu’en raison des avanies et des injures déversées sur les mercenaires de Suisse et d’Allemagne, le gouvernement anglais n’avait pas trouvé un seul homme qui voulût s’enrôler sous ses drapeaux.

Une autre loi fut votée dans cette courte session, celle qui autorisait le gouvernement à mobiliser une partie de la milice. La milice, qui est une sorte de garde nationale volontaire et salariée, avait, pendant les guerres de l’empire, servi principalement de force défensive. Elle avait été licenciée en 1815 ; elle a été réorganisée en 1852. Depuis deux ans, plusieurs bataillons de milice avaient fait dans l’intérieur du pays le service de garnison, confié ordinairement à la troupe régulière ; mais il fallait une loi spéciale pour pouvoir les faire sortir du royaume. L’objet de la loi était d’envoyer des bataillons de milice tenir garnison à Gibraltar, à Malte, dans les Îles-Ioniennes, pour y remplacer les régi mens de ligne qui iraient alors renforcer l’armée de Crimée. Ce service de la milice devait être volontaire et limité à une période de cinq ans.

La loi fut votée sans opposition, mais elle ne devait pas non plus produire de grands résultats. Elle changeait la nature primitive de la milice, qui est d’être une force défensive du territoire. Comme le disait M. Disraeli, a soyez sûrs que si vous mettez contre vous le foyer domestique, vous soulèverez des obstacles insurmontables contre l’enrôlement volontaire. » C’est ce qui est arrivé, et le nouveau ministre de la guerre, lord Panmure, a dû avouer dernièrement dans le parlement que le recrutement de la milice était très lent et très difficile, il a même, à cette occasion, risqué le mot de service obligatoire ; mais ce mot a produit dans le pays une impression telle que lord Palmerston a été obligé, quelques jours après, de l’expliquer et de le désavouer dans la chambre des communes.

Le ministère était sorti de la session de décembre mortellement blessé ; mais c’était de ses propres mains qu’il devait recevoir le dernier coup. On sait et nous n’avons pas besoin de rappeler longuement, comment lord John Russell se chargea encore de cette exécution. Le chef de ce qui était autrefois le parti whig ne s’était jamais résigné de bonne grâce à l’infériorité de sa position dans le cabinet. Après, avoir dévoré pendant deux ans cette humiliation, il jugea le moment venu de se débarrasser de ses collègues, et il y parvint par