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I.

L’eau et la chaleur, chacun le sait, sont les principes essentiels de la végétation. La chaleur est donnée à la Syrie et à l’Arabie par les latitudes sous lesquelles ces pays sont situés; mais cette même chaleur, en l’absence de l’eau, devient une cause d’aridité qui produit le désert proprement dit. Au mot désert se joint dans la plupart des esprits l’idée d’un sol sablonneux, ne renfermant aucun des principes nutritifs qui servent à l’alimentation des plantes. Si cela est vrai pour le désert de la Libye, c’est une erreur en ce qui touche les déserts de l’Arabie, erreur que détruit bientôt l’aspect de ces solitudes, lorsque après les pluies de l’hiver la végétation s’y développe, on pourrait même dire s’y exalte sur bien des points à un degré inattendu pour ceux qui n’ont pas vu ce spectacle luxuriant. Malheureusement, comme dans ces espaces l’été succède presque sans transition à la saison des pluies, qui du reste ne sont jamais très abondantes, l’humidité acquise par le sol est promptement évaporée, et les plantes qui brillaient d’un éclat si vif se trouvent bientôt desséchées comme par le souffle d’une fournaise ardente.

Le désert dont je m’occupe en ce moment, c’est-à-dire tout l’espace compris entre l’Euphrate d’un côté et la vallée de l’Oronte, les derniers contre-forts de l’Anti-Liban, les montagnes du Hauran de l’autre, est donc une terre en certains points très fertile, mais dans laquelle, faute de fraîcheur suffisamment soutenue, les récoltes n’auraient pas le temps de se développer. C’est là ce qui a fait qu’à une ou deux exceptions près, les hommes ne s’y sont jamais arrêtés en assez grand nombre et assez longtemps pour y former des centres importans de populations sédentaires. En un mot, c’est là ce qui oblige le Bédouin en général à mener une vie errante, toujours suivi de ses troupeaux, seul genre de propriété qu’il puisse posséder. Au moyen de migrations réglées selon les saisons, il se procure en tout temps l’herbe et l’eau qui lui sont indispensables. Rien n’est donc moins fondé que l’opinion qui considère le Bédouin comme un homme n’ayant à compter qu’avec sa fantaisie pour se porter d’un bout de l’Arabie à l’autre. Le Bédouin, qu’on le sache bien, marche par nécessité : voulût-il devenir sédentaire, il ne le pourrait qu’en renonçant à toutes les conditions industrielles dans lesquelles il vit.

Les circonstances climatologiques sont tout autres dans les parties de la Syrie situées entre le désert et la Méditerranée. Le vent d’ouest, portant avec lui les vapeurs qu’il recueille à la surface de la mer, prolonge dans cette contrée la durée des pluies et les y rend