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aux assises alternativement blanches et noires, que l’Italie a du reste imitées dans ses plus beaux édifices du moyen âge, tels que la cathédrale de Pise, celle de Sienne, etc. Les assises blanches à Damas sont fournies par les roches compactes du terrain calcaire, et les assises noires ou bleuâtres, par les coulées du terrain volcanique.

On a souvent décrit la magnificence du tableau qu’offre Damas, la ville blanche enchâssée dans la vaste ceinture d’émeraudes que lui font ses jardins. C’est en effet un des plus beaux spectacles qu’il soit donné à l’homme de contempler. Ce paysage, vu du sommet des montagnes circonvoisines, est dans l’ordre des aspects méditerranéens ce que Constantinople et Rio-Janeiro sont dans l’ordre des aspects maritimes; aussi beaucoup d’écrivains arabes en ont-ils célébré l’éblouissante beauté. Les légendes musulmanes entre autres racontent que Mahomet, étant venu sur les hauteurs de Salahieh, voisines de Damas, s’écria, frappé de la beauté du tableau qu’il avait sous les yeux : « Il n’y a qu’un seul paradis, qui est dans le ciel, et je n’irai pas jusqu’à Damas, de peur d’y trouver un paradis sur la terre. » — Mahomet, dira le premier venu des touristes qui parcourent aujourd’hui l’Orient, n’avait qu’à descendre de la montagne, et il se serait convaincu que Damas n’est un paradis que de loin. La malpropreté des rues et leur peu de largeur, la tristesse et la monotonie extérieure des maisons sans fenêtres qui les bordent, maisons construites avec de la boue, tout cela aurait bien vite inspiré un profond dégoût au prophète, et il aurait reconnu sans peine que s’il peut y avoir un paradis sur la terre, ce n’est pas à Damas qu’on doit aller le chercher. — Mais quel voyageur sérieux, ayant étudié cette ville aussi bien dans ses ruines que dans son histoire, se dira qu’au temps de Mahomet, Tamerlan, armé du glaive et de la torche, n’avait pas encore passé par là, que l’incendie par conséquent n’avait pas détruit la cité de fond en comble, que presque toutes ses anciennes et riches familles n’avaient pas été enlevées forcément pour aller peupler les déserts lointains ? A l’époque de Mahomet, Damas possédait sa rue droite que mentionne l’Évangile, où saint Paul logea chez le disciple Ananie et où sa conversion s’opéra, rue monumentale s’il en fut, car elle était ornée de chaque côté de colonnes dont on retrouve encore les piédestaux, lorsqu’on creuse le sol pour bâtir des maisons nouvelles. À cette même époque, les ares de triomphe de Damas étaient dans toute leur splendeur; sa belle église de Saint-Jean, devenue la mosquée principale, frappait l’attention par les broderies et les peintures en mosaïque dont l’art byzantin l’avait ornée extérieurement, et dont quelques vestiges s’aperçoivent encore çà et là; son aqueduc du Kanawat se montrait dans son élégance primitive; enfin Damas était belle de tout ce que son titre de capitale de la Syrie