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siècle dernier, seraient les maîtres de bouleverser l’état, si les magistrats n’avaient aucune inspection sur les formules de loi, les vœux, les sermens qu’on pourrait exiger des citoyens. »

Ce n’est point la religion du magistrat, c’est son caractère public qui le rend apte à connaître du droit religieux. Un prince idolâtre, en suivant les préceptes de la justice naturelle, pourrait être conduit à faire exécuter les canons de l’église chrétienne. La chose se vit sous l’empereur Aurélien. Paul de Samosate, évêque d’Antioche, déposé dans un concile, voulait, malgré cet arrêt, se maintenir en possession de la maison épiscopale. Les pères du concile eurent recours à Aurélien, qui força Paul de Samosate à se retirer. Eusèbe et Théodoret, qui rapportent le fait, nous font connaître les motifs de la sentence de l’empereur. Il jugea, disent-ils, que celui qui était rejeté par tous ceux de la même foi ne pouvait rester en possession de leur église. Les évêques alors admettaient la compétence de l’autorité séculière, même entre des mains païennes. On vit en France, pendant que la religion protestante était tolérée, les fidèles de ce culte se pourvoir devant les tribunaux catholiques contre les abus d’autorité de leurs supérieurs ; on vit les parlemens, accueillant leurs requêtes, les protéger contre des excommunications injustes lancées par des consistoires. In arrêt du parlement de Bordeaux, du 9 juillet 1616, offre un exemple de ces décisions, si intéressantes pour l’histoire du droit.

D’après les libertés gallicanes, la sanction du droit religieux s’exerçait principalement par les appels comme d’abus, par la répression des excommunications injustes et des refus arbitraires de sacremens ou de sépulture. Les appels comme d’abus ont été conservés dans la législation actuelle, mais ils sont réservés au conseil d’état, ce qui en restreint à la fois l’autorité et l’usage. « J’ai toujours regretté, dit à ce sujet M. Dupin, que la connaissance des appels comme d’abus, jadis dévolue aux parlemens, n’eût pas été restituée aux cours royales sur la poursuite des procureurs-généraux… Tôt ou tard on sera forcé d’en venir là. » Pour les excommunications, les refus de sacremens ou de sépulture, le pouvoir civil ne se bornait pas à de simples mesures de répression : il poursuivait jusqu’au bout la réparation du dommage religieux. Il ordonnait par exemple l’administration des sacremens, et il veillait à l’exécution des sentences. Ces moyens ne semblent plus dans nos mœurs. Sans insister sur la pratique, où d’ailleurs il ne s’agit pas de tout défendre, sachons pourtant voir le fond du droit. Il faut d’abord observer que les parlemens ne connaissaient que des refus pour cause notoire, quand les règles de l’église étaient manifestement violées : il n’entra jamais dans la pensée de la magistrature française d’intervenir, au l’or intérieur, entre le confesseur et le pénitent ; mais des citoyens