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défaut ? Oui, sans doute, car il faut qu’un ministre soit à la fois hardi et modeste, ferme et doux, décisif et réservé, parfait enfin. On a toujours vu les majorités ministérielles reprendre par la médisance ce qu’elles donnaient par la nécessité. »

Dès la réunion de l’assemblée législative, un de ses premiers votes fut une solennelle réparation envers le ministre démissionnaire. Elle fit plus ; elle le réélut cinq fois vice-président. De son côté, l’Académie des sciences morales et politiques l’avait admis au nombre de ses membres, avec l’intention évidente de reconnaître la conduite du ministre, non moins que les travaux de l’économiste.

Deux ans environ se sont écoulés entre son premier et son second ministère. Dans cet intervalle, il prit part à tous les travaux de l’assemblée législative. Membre influent de toutes les commissions importantes, et notamment de celle qui eut à préparer la fameuse loi du 31 mai 1850, dont il fut aussi le rapporteur, il eut souvent à occuper la tribune, et s’il ne s’y montra pas l’égal des grandes renommées oratoires qui l’avaient remplie autrefois, il s’y distingua par des qualités qui étaient alors plus nécessaires, la précision et la fermeté. Cette époque est aussi celle où il a coopéré le plus activement à la Revue, il trouvait du temps et des forces pour lui donner tous les deux ou trois mois un travail étendu sur les questions financières, les plus importantes du moment, depuis que les grands embarras politiques avaient été en partie écartés. La plupart de ces écrits, sur l’impôt du revenu, sur la reprise des paiement en espèces par la Banane de France, sur les budgets de 1850 et de 1851, sur les banques coloniales, sur la démonétisation de l’or, etc., sont des modèles de discussion et de science économiques ; ou y retrouvera la sûreté de coup d’œil et la rigueur de principes qu’il portait dans les finances comme dans la politique.

Ses études antérieures l’avaient préparé à traitera fond les problèmes économiques que soulevait le socialisme ; il fut à cet égard comme en tout le plus hardi champion de la résistance. On peut signaler entre autres un discours prononcé à la tribune sur l’organisation des travaux publics, et un examen du budget socialiste publié dans la Revue.

Cependant l’assemblée législative poursuivait sa pénible carrière. Dans la constituante, les diverses nuances de la majorité n’avaient eu d’autre tâche que de s’unir contre l’ennemi commun et de lui livrer bravement bataille ce qui a toujours été facile pour des Français. Il y avait plus à faire désormais, il fallait donner à la France un gouvernement définitif ; bien que réunissant à peu près l’élite de la nation politique, l’assemblée législative ne put pas y réussir. Parmi les partis qui la divisaient, il s’en était formé un qui voulait conserver le gouvernement parlementaire, avec la présidence de Louis-Napoléon. C’est à celui-là qu’appartenait Léon Faucher, et c’est pour essayer de réaliser ce programme qu’il rentra au ministère au mois d’avril 1851. Il y resta six mois, mais sans pouvoir conjurer le choc qui se préparait entre le président et l’assemblée, et quand il reconnut l’inutilité de ses efforts, il se retira. Six semaines après éclatait le coup d’état du 2 décembre.

Si ce second ministère a été à peu près perdu pour la politique proprement dite, puisqu’il n’a pas atteint son but, il n’en a pas été de même de la