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au traitement des maux guérissables, enfin les transformations profondes de l’état social et les perspectives du prochain avenir de l’humanité, on croit écouter un novateur audacieux : du moins reconnaît-on les conseils d’un ami du progrès, pour parler le langage reçu, et d’un publiciste dont les vues eussent effrayé lord Grey, inquiété Mackintosh, rendu Peel soucieux, et n’auraient trouvé préparés ni Fox ni Romilly. C’est l’effet du temps, et sans croire que tous les sages approuveront toutes les idées de M. Greg, nous croyons qu’il représente assez fidèlement l’esprit actuel de l’Angleterre éclairée. De même que dans le parlement ni pouvoir ni majorité n’est possible qu’au prix d’une coalition, il a commencé à se former dans le pays, il s’y développe, nécessairement une vaste opinion libérale qui absorbe peu à peu toutes les nuances, rapproche sans peut-être les unir toutes les fractions de parti, leur impose du moins une marche commune, et qui, en amenant les convictions et les vues, même les craintes et les impatiences diverses, à une moyenne de spéculation et d’expérience, de passion et de sagesse, de réforme et de transaction, poursuivra, j’espère, et peut seule mener à bien cette œuvre admirable et difficile si heureusement commencée, — l’œuvre de concilier le maintien des garanties historiques d’un bon gouvernement avec la réalisation des vues philosophiques de la science sociale. Marcher du même pas que la révolution du siècle et ne pas faire de révolution, quelle entreprise ! et quelle gloire pour ceux qui l’auront accomplie !

Cette gloire sourit à l’imagination de M. Greg et n’épouvante pas sa raison. C’est un état d’esprit si rare sur le continent, si peu connu des plus sages et des plus résolus parmi nous, qu’il peut être intéressant de le décrire, et de ramener nos lecteurs à des considérations dont mille événemens les ont détournés. En plusieurs points, nous différons de M. Greg : nous appelons de plusieurs de ses jugemens, surtout quand il parle de la France ; mais la direction de ses idées et ses recherches nous plaît et nous attire. Nous avons un peu de sa foi, heureux si nous partagions mutes ses espérances. Nous voudrions résumer ici ses motifs de croire et d’espérer, sans négliger ses conseils, sans omettre ses craintes, sans rien taire de la grandeur et du péril des questions qu’il aborde. Analyser un à un ses essais serait fastidieux ; il vaudra mieux reproduire l’ensemble général de ses idées, quelquefois en y mêlant les nôtres, souvent en posant nos objections et en marquant notre dissidence. Il ne s’agit point d’une œuvre de pure littérature. L’auteur est assurément un homme d’une instruction variée ; il expose et il discute avec talent ; il écrit bien, du moins sa façon d’écrire est claire, attachante, animée, car pour le reste nous n’en saurions juger. Le style en langue étrangère est