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la faction aristocratique, si l’on veut, qui voulut perpétuer son système et son ascendant, se trouva bientôt toute déplacée au milieu des circonstances nouvelles. Elle n’eut plus qu’une routine au lieu d’une politique ; elle perdit du terrain sans presque s’en apercevoir, et peu à peu délaissée par le public et par ses alliés mêmes, par tout ce qu’elle avait nourri dans son sein d’éminent et d’habile, elle représenta pour l’Angleterre ce qu’était pour la France, du temps qu’il existait, le parti de l’ancien régime.

C’est cette domination, ce sont les prétentions de ce haut torisme de circonstance qui ont donné prétexte, en France du moins, de regarder comme exclusivement aristocratique le gouvernement de l’Angleterre. M. Greg connaît mieux que nous les distinctions qu’il faut faire, et si nous les lui rappelons ici, c’est qu’elles importent pour ne pas laisser s’accréditer certains préjugés révolutionnaires sur le compte de la première des monarchies constitutionnelles de l’Europe. Si dès longtemps le gouvernement anglais avait été purement aristocratique de composition et de conduite, il y aurait à l’heure qu’il est dans ce pays des divisions irréconciliables, d’implacables ressentimens, des questions sans solution, des maux sans remède. Il y aurait chance, que dis-je ? il y aurait nécessité de révolution. Grâce à Dieu, il n’en est pas ainsi. Non-seulement la vieille constitution est quelque chose de mixte et de tempéré, où tous les élémens coexistent, diversement développés suivant les temps, où c’est désormais à l’élément démocratique de prendre ses accroissemens ; mais en tout temps une certaine sagesse pratique a empêché ou du moins modéré la prédominance exclusive d’une partie sur le tout. Rien n’est venu brusquement, à l’improviste ; tout a germé, tout a poussé, comme dans la nature. On dit, non sans raison, que le dernier siècle en Angleterre a été une époque d’immobilité pour la politique intérieure. Assurément, mais ce n’était pas imprévoyante inaction, stupide engourdissement. De 1688 aux rois de la maison de Hanovre et jusqu’en 1745, il s’agissait de consolider l’œuvre de la révolution. Entre George Ier et George III, trente ou quarante ans ont été donnés a l’épreuve pratique du gouvernement parlementaire dans la guerre et dans la paix. Après 1760, il semble que dans les agitations un peu confuses du parlement se débrouillent, comme deux élémens distincts, l’esprit de conservation et l’esprit de réforme. C’est une lutte encore obscure et le commencement de la crise que la guerre de la révolution française a pu suspendre et masquer, mais qui a repris son cours depuis plus de trente années, et qui, si elle est jusqu’au bout heureuse et féconde, assurera au gouvernement de l’Angleterre un nouveau siècle de durée.

Cette crise n’est donc pas venue comme un orage. Longtemps