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porter nos regards sur des questions toutes différentes, sur des fondations dont le caractère bienfaisant n’a rien d’équivoque, et dont les principales sont l’éducation populaire et les institutions économiques de prévoyance.

IV. — Les ouvriers ne sont plongés dans un dénûment qui dépasse les moyennes ressources de leur énergie que par trois causes : les mesures du gouvernement, leurs fautes de conduite, enfin les sinistres accidentels. C’est surtout pour les victimes de la seconde cause de misère qu’on réclame. Il est trop évident qu’il faut avoir un bon gouvernement et qu’il soit sage ; quant aux malheurs, les moyens ordinaires de l’assistance publique ou particulière y doivent pourvoir. Il reste donc à examiner si le vice, le désordre, enfin la dissipation imprévoyante, qui est une faute après tout, sont des titres à la protection de la société. M. Greg ne peut parvenir à trouver juste que la société tout entière se charge d’assurer tous ses membres contre leurs propres écarts, et que les sages et les prévoyans paient la prime pour les débauchés et les imprudens. La morale interdit de préserver le mal du châtiment de ses conséquences, et l’état lui parait avoir accompli son devoir, quand il a élevé contre ces dérèglemens funestes l’obstacle préventif de l’éducation. Quant aux mesures de gouvernement nuisibles au peuple ; si l’on n’a pas su les empêcher, il ne reste plus qu’à mettre les pauvres en état de comprendre assez leurs intérêts pour les défendre en réclamant par toutes les voies ouvertes aux citoyens d’un pays libre. Les désastres accidentels se recommandent d’eux-mêmes à l’assistance volontaire et libre ; mais ici encore l’état ne peut qu’assurer à l’ouvrier les moyens de les prévoir et d’y faire face par avance. Dans tous les cas, l’éducation populaire vient donc en première ligne. C’est la sauvegarde de l’homme en société que le développement régulier de sa raison. Sur ce point, M. Greg n’admet ni restriction ni délai. Il convient qu’on a beaucoup fait ; les classes laborieuses, avec lesquelles il parait familier, se sont notablement élevées depuis vingt ans. Cependant il ne cache pas qu’il reste beaucoup à faire encore. Pour justifier ses plaintes, il faudrait le suivre dans les sévères reproches qu’il adresse à l’église anglicane, à ses préjugés, à son indolence, à ses discordes stériles. Dieu que très convaincu que la religion est une solide garantie sociale, il est du très grand nombre de ceux qui distinguent l’église de la religion, et qui même ne placent pas la vertu de cette dernière dans un dogmatisme déterminé. Peut-être ferons-nous bientôt connaître ses libres idées à cet égard en analysant un autre ouvrage de lui et en traitant par occasion du mouvement religieux en Angleterre ; mais ici nous n’avons à noter qu’un point : c’est qu’il insiste pour que toutes les mesures propres à améliorer la condition