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la route de Ceylan, il lui fit espérer le gouvernement de cette colonie, dont la vacance paraissait devoir être prochaine ; mais lorsque le malheureux général essaya d’obtenir du duc de Wellington la confirmation positive de cette espèce de promesse, le duc refusa en termes très formels de prendre envers lui aucun engagement, reconnaissant d’ailleurs qu’on l’avait maltraité, et qu’il avait sujet de se plaindre. Encouragé par cette déclaration, sir Hudson Lowe insinua que si des considérations politiques ne permettaient pas de l’employer, il se contenterait d’une retraite honorable. Le duc lui ayant répondu avec une certaine susceptibilité qu’aucun motif de cette nature ne l’empêcherait de l’employer partout où il croirait ses services utiles, il demanda à être envoyé en qualité de commissaire anglais au quartier-général de l’armée russe qui combattait alors les Turcs dans les principautés du Danube. C’était étrangement méconnaître la politique de l’Angleterre dans cette question. « Nous nous tenons en dehors de tout cela, » s’écria le duc. En désespoir de cause, sir Hudson Lowe se rabattit sur une pension ; mais le premier ministre lui objecta qu’on ne déciderait jamais le parlement à la voter, et comme il insistait, disant que tout son désir était de voir le parlement appelé à se prononcer sur ce point, le duc répliqua brusquement qu’il était inutile d’en parler davantage, attendu que sir Robert Peel ne se chargerait jamais de cette proposition.

Ainsi repoussé de tous côtés, sir Hudson Lowe repartit pour Ceylan. Bientôt les événemens de 1830, l’avènement d’un ministère whig où figuraient les hommes mêmes qui jadis avaient stigmatisé dans le parlement les rigueurs vraies ou supposées exercées sur Napoléon, les liens étroits qui s’établirent entre ce ministère et la France, alors gouvernée par l’ancienne opposition libérale et bonapartiste, vinrent détruire les espérances qu’il pouvait encore conserver. Il donna sa démission en 1831 et rentra en Angleterre, où il est mort en 1844, à l’âge de soixante-quinze ans, sans avoir exercé, depuis son retour de Ceylan, aucun emploi public ni obtenu, malgré ses réclamations réitérées, aucune récompense de ses services. La défaveur qui s’était depuis longtemps attachée à son nom n’avait cessé de s’accroître. Les imaginations se le représentaient comme le type du tyran oppresseur, insensible et froidement cruel. Dès 1833, lord Teynham, combattant dans la chambre des lords un bill qui avait pour but de placer l’Irlande sous un régime d’exception, avait cru ne pouvoir mieux en faire concevoir les dangers qu’en supposant le cas où le noble marquis qui gouvernait alors ce royaume (lord Normanby) aurait été remplacé par un sir Hudson Lowe. Cette inconvenance avait, il est vrai, provoqué des murmures, le duc de Wellington et lord Bathurst avaient fait entendre en faveur du général si cruellement