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L’idée de mettre en contact les gîtes houillers du Forez avec le Rhône et avec la Saône au moyen d’un chemin de fer allant jusqu’à Lyon, était une conception infiniment plus audacieuse et plus féconde. L’espace à parcourir s’étendait à près de 58 kilomètres. Une voie qui devait ouvrira l’industrie du district de Saint-Étienne un débouché vers le midi, l’est et le nord-est de la France avait, au point de vue commercial, une importance incomparablement plus haute. L’initiative appartient ici tout entière à MM. Séguin frères et principalement à M. Séguin aîné, qui dans sa famille, si utilement mêlée à tant de grandes affaires, représenté à la fois l’esprit industriel et scientifique[1]. La concession de ce second chemin fut faite par adjudication le 4 février 1826. Ce fut encore M. de Corbière qui contresigna l’acte d’autorisation ; mais une large part dans tout le travail administratif revient à un ingénieur expérimenté, M. Brisson, qui, en sa qualité de secrétaire du conseil général des ponts et chaussées, était l’âme du service sous le nom du directeur des ponts et chaussées et des mines, M. Becquey. Sans avoir mis son nom à un acte qui sortait de ses attributions spéciales, le chef du ministère d’alors, M. de Villèle, témoigna envers l’œuvre entreprise un bon vouloir dont le souvenir mérite d’être conservé. En matière, d’affaires, M. de Villèle ne se rebutait point des choses parce qu’elles étaient nouvelles : il comprit qu’il y avait dans ces premiers essais un germe éminemment utile. Sachant d’ailleurs quelles difficultés de toute nature allait rencontrer l’exécution d’un chemin comme celui de Saint-Étienne à Lyon, il assura les concessionnaires qu’ils le trouveraient toujours prêt à les entendre, et qu’il emploierait son influence à les dégager de toute entrave mise arbitrairement à leurs travaux. Le mouvement de la politique emporta bientôt après le cabinet de M. de Villèle, mais cet homme d’état avait eu le temps de prouver que sa promesse n’était pas une parole vaine.

Le chemin de fer dont il avait patronné le premier essor peut fournir matière à diverses critiques, quand on le compare à des constructions ultérieures ; il n’en était pas moins tracé d’une manière savante et hardie pour une époque surtout où il n’existait qu’un bien petit nombre d’exemples, et d’exemples imparfaits à étudier. De Saint-Étienne à Givors, la voie glisse le long de la montagne. Très brusque jusqu’à Rive-de-Gier, la descente s’adoucit de Rive-de-Gier à Givors. De cette dernière ville, la pente, remontant vers Lyon le long du Rhône, est peu sensible. Dans la montagne, les courbes sont fréquentes ; sauf de rares exceptions, elles décrivent d’assez longs circuits. Un premier plan avait été dressé avec des courbes très réduites, à peu près comme sur le chemin d’Andrezieux ; mais M. Séguin, ayant visité le railway de Stockton à Darlington, qui venait de s’ouvrir, rejeta le système des courbes resserrées, et, transformant résolument un tracé déjà fini, il y substitua le

  1. Divers travaux dans la mécanique appliquée ont valu à M. Séguin aîné le titre de membre correspondant de l’Académie des sciences. On doit notamment à ce constructeur l’invention de la chaudière tabulaire, invention facilitée, il est vrai, par divers élémens recueillis en Angleterre, mais antérieure à toute autre réalisation complète, constatée en France par un brevet du 12 décembre 1827, et qui a seule rendu possible la construction de locomotives douées de la puissance nécessaire aux railuays.