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elles s’arrondirent en globes semblables au nôtre. Ces globes, d’après leur distance, furent reconnus les uns plus grands, les autres plus petits que la terre. On y vit le jour naître et finir pour chaque localité, et le soleil se lever et se coucher. On les vit tourner sur eux-mêmes comme la terre, et par suite avoir des jours et des nuits comme nous les avons ici. On vit des nuages flotter dans leurs atmosphères, et des orages s’y former. Sur Jupiter, des taches d’un blanc éclatant, qui duraient peu, semblèrent à Cassini être des tapis de neige qui fondait ensuite. Les traces des vents réglés, analogues à ceux de notre terre, s’y laissèrent apercevoir ; on dessina les continens et les mers des planètes ; enfin dans Mars, voisin de notre globe, et qui ressemble à celui-ci pour l’ensemble des climats, on vit les glaces polaires se former, et les contrées qui avanent l’hiver se recouvrir de frimas, tandis qu’au pôle opposé, qui avait la saison chaude, les neiges fondaient, et la coupole de glace et de neige se rétrécissait considérablement. C’est ainsi que, contemplant notre terre, les habitans de Mars peuvent, pendant notre hiver, apercevoir la neige qui la couvre jusque vers le milieu de la France ; ils voient ensuite pendant l’été cette neige fondre graduellement et se resserrer jusqu’aux limites septentrionales de l’Europe.

L’assimilation des planètes avec la terre fut donc généralement et tacitement adoptée. En effet, après avoir reconnu qu’une planète était toute semblable à la terre, admettre que, comme la terre, elle était peuplée d’êtres vivans, — cela était infiniment plus facile que de reconnaître qu’un astre brillant, qui, à l’œil nu, ne différait pas d’une étoile, était en réalité une masse solide, étendue, recouverte d’une atmosphère, partagée en continens et en mers, empruntant comme la terre sa chaleur et ses climats au soleil, et enfin de tout point pareille à notre globe, sauf la grosseur, qui était tantôt au-dessus, tantôt au-dessous. L’idée d’êtres vivans répandus sur des contrées semblables aux nôtres se présentait si naturellement, qu’il n’était même pas besoin de l’indiquer à ceux auxquels on apprenait ce que le télescope avait fait découvrir sur la nature des planètes. Chacun des mondes nouveaux, une fois bien reconnu, était pour ainsi dire peuplé par l’imagination, guidée par l’analogie. Lorsque Galilée eut le bonheur de contempler, lui, le premier d’entre les hommes, toutes les merveilles que révélait le télescope, il publia un petit opuscule dont l’effet fut prodigieux : c’était le Nuntius sidereus, c’est-à-dire le messager ou le courrier des astres, ce qui répond encore au titre de nouvelles du ciel. Les télescopes modernes, en se perfectionnant, n’ont fait que développer et confirmer toutes les ressemblances planétaires que Galilée apercevait, et que ses prédécesseurs n’avaient pu soupçonner que par le raisonnement.