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d’êtres intelligens. Il semble que l’immense Jupiter, le grand Saturne. Uranus ou Neptune, tous bien supérieurs à la terre, à Vénus, à Mars et à Mercure devraient obtenir la préférence : point. Il y a une petite masse planétaire grosse comme la quatorze-cent-millième partie du soleil et n’ayant en masse que la trois-cent-soixante-miliième partie de cet astre : c’est elle qui l’emportera sur l’univers entier. Seule de tout l’univers, elle nourrira des habitans intelligens et doués d’une âme. Ne serait-ce point parce que notre astronome théologien est un habitant de la terre que celle-ci a obtenu de lui une concession si flatteuse ? Et s’il fut né sur Mars ou Vénus, notre Cybèle eût-elle été si bien traitée ? « Vous êtes orfèvre, monsieur Josse ! » N’est-ce pas rompre avec toutes les indications d’analogies, avec toutes les présomptions de vraisemblance, avec toute la philosophie d’induction, que de peupler la terre et de la peupler seule ?

Ne croyez pas cependant que l’auteur de l’Essai prive les autres planètes d’êtres vivans. Il en donne, suivant son gré et d’après des considérations arbitraires dont il est seul juge, à Jupiter et aux autres planètes de notre système ; mais ce ne pouvaient être des hommes ou des êtres intelligens : ces planètes sont trop loin on trop près du soleil. Or, d’après ce raisonnement même, si on choisissait dans un autre système une planète tournant autour d’un autre soleil que le nôtre, mais qui fut dans des conditions analogues à notre planète, M. Whewell n’aurait aucune raison de lui refuser des habitans intelligens. Voilà donc la pluralité des populations douées d’intelligence qui reparaît forcément ! On ne songe pas à tout.

Mais, dit ce théologien, il est plus commode de dépeupler l’univers que de faire accorder la pluralité des mondes avec ce que nous savons de la rédemption et du péché de l’homme. — A cela, M. Brewster répond que peut-être la terre n’a eu que le privilège d’être le local où s’est accompli le sacrifice qui a opéré la rédemption des âmes du genre humain, et que de là cette rédemption a été valable pour les âmes de tous les habitans de toutes les planètes, de tous les satellites, de tous les soleils de l’univers entier, car sir David ne veut rien laisser d’impeuplé d’âmes, pas plus que M. Whewell ne veut rien laisser de peuplé, si ce n’est notre terre. Il faut avouer cependant que ce serait donner à cette petite planète une importance théologique bien grande et peu vraisemblable. Il y aurait sans doute un moyen de se tirer d’affaire : ce serait d’admettre que les habitans de toutes les planètes autres que la terre n’ont point commis le péché qui a nécessité la rédemption pour nous ; mais alors notre terre serait notée d’un sceau exclusif de réprobation que ne veut point admettre le savant écossais. Un autre extrême serait de damner tout l’univers, sauf le genre humain ; mais c’est bien rigoureux ! En