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Le poète inspiré, tout en foulant les herbes,
Monte, l’esprit plongé dans ces mythes superbes :
Hier tout était sombre, et tout brille aujourd’hui ;
Dieu vit dans l’univers, tous deux vivent en lui ;
En suivant ce penser divin qui l’accompagne,
Haletant, il atteint le haut de la montagne :
Spectacle encor plus grand qui revient l’exalter !
Son cœur enfin déborde et se prend à chanter.

— « Fille de Dieu, Nature, ici je te salue,
Et dans ta profondeur, et dans ton étendue !
La terre est sous mes pieds, sur mon front est le ciel,
Et devant moi la mer, miroir universel.

Dans tes variétés, salut, grande Nature !
Je te retrouve en moi débile créature :
Car l’homme, où vont s’unir les éléments divers,
L’homme est un résumé de l’immense univers.

Aimant des minéraux ou sève de la plante,
Flammes de l’animal, triple force opulente,
Tout se condense en l’homme, il est tout à la fois :
De là vient son orgueil ; — qu’il y cherche ses lois !

Globes obéissants, chacun à votre place,
Harmonieusement vous roulez dans l’espace,
Chevelus, annelés, opaques, lumineux,
Selon que l’a voulu celui qui dit : Je veux.

L’homme seul, infidèle à la main qui l’envoie,
Vers cent buts opposés s’égare dans sa voie ;
Du Maître qui l’attend, il perd le souvenir :
Mais libre il peut errer, libre il peut revenir.

Nature, sois en tout son guide, son modèle :
Qu’il revienne à son toit comme fait l’hirondelle,
Que l’abeille savante et les sages fourmis
Longtemps aux mêmes lois le retrouvent soumis !

Flots des mers, montrez-lui le calme après l’orage ;
Dans son cœur, ô lions, versez votre courage ;
Grands bœufs, patiemment attelés tout le jour,
Donnez-lui la douceur, et vous, ramiers, l’amour.

Êtres inférieurs, soyez pourtant sa règle :
Comme vers le soleil à grands cris vole l’aigle,