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Et j’adresse un salut à l’immense coupole,
Colosse soulevé par un géant toscan,
Au divin Marc-Aurèle, amour du Capitole,
Au divin Raphaël, amour du Vatican.

Il faut, à mon retour, ne voir que les Romaines,
Sur le seuil des maisons les beaux groupes vivans,
L’eau s’épancher partout aux bassins des fontaines,
Et le lait abonder aux lèvres des enfans.

Qu’ils sucent ardemment les fécondes mamelles !
Qu’ils vous regardent fiers aux mères appuyés !
Comme ils plongent leurs mains dans les sources jumelles !
Comme, vifs et joyeux, ils agitent leurs pieds !

Tableau qui fait rêver le peintre et le poète…
Mais la nuit calme arrive, et je regarde encor,
À travers la campagne endormie et muette,
À l’horizon bleuâtre un beau nuage d’or.

Chaque jour je t’admire, ô nuage tranquille,
Sur le lac de Némi posé depuis un mois ;
Chaque soir je te vois léger, pur, immobile ;
Image de la paix, dans le ciel je te vois.

Oui, ciel inspirateur ! terre de l’épopée !
Ah ! d’un si beau travail la belle âme occupée
Doit descendre avec moi sur les bords énéens
Où sont marqués les pas des bardes anciens.
Virgile, le saint maître, ici conduisait Dante,
Tempérant de douceur sa vision ardente ;
Des chevaliers chrétiens le poète guerrier
Tasse offrait son front pâle à l’immortel laurier,
Et le sombre Milton vint y puiser la flamme
Qui, ses regards éteints, illuminait son âme.
Vous donc, bardes futurs, esprits qui chanterez
Les fastes belliqueux et les mythes sacrés,
Ou l’immense nature et la passion libre,
Venez vous féconder aux grandes eaux du Tibre ;
Puis franchissez le pont[1], et, d’anges entourés,
Montez du Vatican les somptueux degrés.

  1. le pont Saint-Ange