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donc, bien aux érudits que s’adressèrent alors les poètes chrétiens, c’est-à-dire aux moines et aux prêtres qui savaient le latin ; seulement ces érudits ne l’étaient pas beaucoup, et se contentaient à peu de frais. Enfin, même en se proposant de donner de salutaires enseignement, ces poètes auraient pu sans grand inconvénient être moins barbares : il est possible, à la rigueur, d’édifier les âmes sans solécismes et sans vers faux.

L’auteur du recueil des poètes latins du moyen âge me parait plus heureux quand il nous montre l’origine de la versification Française dans la création d’un système de versification fondé sur la numération des syllabes et sur la rime, système qui se substitua bientôt à l’ancienne prosodie latine. À cet égard, on trouvera dans cet ouvrage de curieuses observations qui suffiraient pour en recommander la lecture. Un des poètes du XIIe siècle, Adam de Saint-Victor, présente une variété de rhythmes et une richesse de rimes à faire envie à nos lyriques contemporains. Il faut avouer du reste que la richesse et la sonorité de la rime sont plus aisées à rencontrer en latin qu’en français. La rime la plus riche que je connaisse, — une rime de quatre syllabes, — se trouve dans une chanson latine, mise en vogue par les jansénistes et les huguenots :

O vos, qui cum Jesu itis,
Non ite cum jesuitis.

La lecture de ces poètes nous semble donc utile pour qui veut étudier le mouvement des idées au moyen âge, et les origines de notre langue, et de notre poésie. À cet égard, nous sommes heureux de nous trouver d’accord avec l’ingénieux et savant critique. Quant à la trop vive admiration que nous blâmons chez M. Clément, c’est là un reproche qu’il est pénible de faire et qui coûte toujours un peu à la modestie : on se demande si cette impuissance d’admirer ce qui excite chez d’autres un si vif enthousiasme ne serait pas une sorte d’infirmité, et cette question ne laisse pas d’être assez inquiétante pour l’amour-propre qui se la pose. D’ailleurs M. Clément, en admirant plus que nous Prudence et Adam de Saint-Victor, a de plus que nous une jouissance littéraire que nous lui envions. Il est vrai qu’en revanche nous admirons peut-être davantage certains poètes de l’antiquité païenne, et cela fait compensation.


EUGENE DESPOIS.


HENRI IV ET LE MINISTRE DANIEL CHAMIER, d’après un voyage inédit de ce dernier à la cour en 1607, par M. Charles Read, chef du service des cultes non-catholiques au ministère de l’instruction publique.


Nous ne voulons pas entrer ici, par une voie détournée, dans ce grand sujet de la conversion de Henri IV ; mais nous voudrions, dès aujourd’hui, faire partager au public le sérieux plaisir que nous avons trouvé dans la lecture du remarquable travail de M. Read sur le mémoire inédit de Daniel Chamier. C’est un modèle de ce genre difficile d’études restreintes qui préparent l’histoire générale et définitive d’une question, résolvant isolément les parties