Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chiens, il prenoit bien plaisir à les voir mordre, mais sitôt qu’on parle de tuer le renard, il ne le veut pas et se met à crier. » Chamier est enfin congédié avec force bonnes paroles et avec toutes sortes d’encouragemens à bien servir le roi dans les affaires de religion. « Pour mon particulier, il me dit que je le servisse bien, et qu’il me seroit bon maître et qu’il ne me manqueroit pas, que je n’en eusse point de peur, et me redit cela par deux fois, une au milieu de la galerie, l’autre à la porte en sortant. » Avouons que pour un prince qui se défend d’avoir des pensionnaires, Henri IV s’entend assez bien à escompter en services le simple espoir d’une pension. Il ne prenait pas toujours le soin de recouvrir d’honnêtes dehors ce commerce des consciences : « Je puis me vanter, dit-il un jour à d’Aubigné, qu’un homme d’entre vous, des meilleures maisons de France, ne m’a coûté que cinq cents écus pour me servir d’espion parmi vous et vous trahir. »

Dans l’intéressant appendice que M. Charles Read a joint à son travail, il effleure la grande question de l’abjuration de Henri IV. La nécessité de cette conversion est seule digne d’occuper l’attention et les discussions de l’historien, et ce n’est pas sans approcher du ridicule que quelques personnes ont voulu agiter, comme une sorte de question préalable, la sincérité de cette conversion. « Indifférent et sceptique dans un siècle pieux. Henri IV n’avait foi que dans la force tempérée par la prudence. Le côté humain des choses saisissait seul cette nature ardente et sensuelle. » Nous pensons que cette opinion, exprimée en 1845 par M. de Carné[1], a l’évidence en sa faveur et que ce point est acquis à l’histoire : mais la nécessité de cet acte évidemment politique, ses conséquences bonnes ou mauvaises, en un mot sa justification au point de vue des affaires humaines reste encore réservée à l’étude et à la controverse. Les pages remarquables que M. Read a extraites sur ce sujet des Conférences sur l’Histoire de France de sir James Stephen, professeur d’histoire, moderne à l’université de Cambridge, sont d’un protestant éclairé, mais surtout d’un Anglais qui ne peut voir dans les deux siècles de monarchie absolue qui ont suivi le règne de Henri IV qu’un long misgovernment. La question y est bien posée, mais ce n’est qu’après des recherches particulières et une étude sérieuse qu’on peut tenter de la résoudre.


PREVOST-PARADOL.


En feuilletant dernièrement un recueil assez estimé en Allemagne, les Blaetter für literarische Unterhaltung, nous n’avons pas été médiocrement surpris d’y retrouver un grand nombre d’articles que la rédaction de ce recueil nous a empruntés sans faire aucune mention de la source où elle puisait. Il y a dans toutes les langues du monde un nom particulier pour les emprunts de cette nature. La piraterie des contrefaçon, si condamnable à tous égards, laissait au moins aux écrivains et à la direction la récompense morale de leurs travaux : ici, l’écrivain qui les compose et qui les signe, la direction qui les choisit, qui les inspire quelquefois, sont également frustré

  1. Revue des Deux Mondes du 1er mars 1848.