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arrive finalement à l’abstraction, ou, — ce qui ici comme dans la plupart des circonstances est synonyme, — à la généralité.

Je ne résisterai pas non plus au désir de faire voir comment la maladie (en termes techniques, la pathologie) se rattache à la biologie. Il n’est personne qui, étudiant l’histoire, n’ait remarqué que partout les arts utiles ont précédé les sciences. On a employé la chaleur à toutes sortes d’usages avant d’avoir aucune théorie sur cet agent ; la métallurgie et la teinture ont fourni d’abondans produits avant que les notions chimiques qui en sont le fondement fussent seulement soupçonnées. Puis, la science abstraite faisant des progrès, les rôles se renversent, et les arts, qui d’abord avaient procuré matière et pour ainsi dire prétexte aux sciences, en deviennent les débiteurs, recevant d’elles leurs plus utiles perfectionnemens. Il n’en a pas été autrement pour la biologie ; ce n’est pas par elle-même et de son chef qu’elle s’est introduite dans le monde, c’est sous le couvert de la médecine ; longtemps elle a vécu à l’abri de cet art bienfaisant que les souffrances de la nature humaine ont fait naître de si bonne heure dans les sociétés primitives, et longtemps a tardé le moment où la médecine put avec sécurité prendre d’elle sa direction. Ce moment est à la fin venu, et la pathologie y trouve, elle y trouvera de plus en plus son guide véritable.


I. – COUP D’OEIL HISTORIQUE. - COMMNENT LA BIOLOGIE MARCHE AU-DEVANT DE LA CHIMIE.

Laissant ces deux points accessoires, qui se rencontreront en lieu et place, j’en viens au livre de MM. Robin et Verdeil, qui fait le sujet de cette étude[1], aux principes immédiats, à la recherche desquels leur livre est consacré, et au rapport de la chimie et de la biologie, question qui dépend du résultat de cette recherche. Mais comment ces deux sciences, qui semblaient si loin l’une de l’autre, en sont-elles venues à se rencontrer ? Qu’y a-t-il de commun entre les phénomènes de la vie, si compliqués et si spontanés, et ceux que présentent les élémens et leurs combinaisons, les corps oxydables et les corps oxydons, les bases et les sels ! Certes, au temps d’Hippocrate ou d’Aristote, de tels contacts, bien loin d’être prévus, n’étaient pas même entrevus. Par quel acheminement sont-ils devenus réels ? Ceci implique non pas seulement une question scientifique, mais aussi une question historique de l’ordre le plus élevé, une de celles qui

  1. Traité de Chimie anatomique et physiologique, normale et pathologique, ou des Principes immédiats normaux et morbides qui constituent le corps de l’homme et des mammifères, par Ch. Robin et F. Verdeil, 3 vol. in-8o, chez Baillière, 1853, avec un atlas de quarante-cinq planches gravées, en partie coloriées.