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vivans que leur livrait la curiosité royale. Je veux croire, pour l’honneur de ces médecins, que c’est une calomnie inventée par les âges postérieurs (le premier qui nous en parle est Celse, et il vivait près de trois cents ans après eux), calomnie suggérée peut-être par leur témérité à interroger les dépouilles de la mort. Toutefois il ne faut pas oublier dans quel temps ils vivaient, quelles étaient les habitudes de cette cour d’Égypte, demi-grecque et demi-barbare : combien on faisait peu de cas de la vie des hommes ; comment ailleurs les gladiateurs inondaient de leur sang l’arène du cirque, égorgés, comme dit Byron, pour faire une fête romaine, butcher’d in make a roman holiday. Il ne faut pas oublier enfin que, même dans des époques plus civilisées et meilleures, il se commet des actes de barbarie révoltante, quand l’opinion qui s’alimente aux sources pures de la science, de la justice et de l’humanité, a ses défaillances et ses lâchetés. Dans les écoles d’Alexandrie, à la connaissance des os, qui était déjà si précise du temps d’Hippocrate, on ajouta celle des muscles, celle des nerfs, qui furent définitivement séparés des tendons, et dont les propriétés motrices et sensitives furent reconnues ; celle des principaux viscères, et en particulier du cerveau, qui cessa d’être considéré comme une glande. En un mot, le scalpel lit son office, et, en l’employant régulièrement, on arriva à discerner ce qui se présenta sous son tranchant.

Sans doute il lui restait bien des services à rendre, et tout ce que le scalpel seul pouvait découvrir n’était certes pas découvert. Il y a même lieu de remarquer combien, malgré trois ou quatre siècles (à compter depuis Empédocle et Hippocrate), on avait encore peu pénétré dans la profondeur du corps organisé. Manifestement, on n’est encore qu’à la première entrée des choses ; on n’a déterminé que ce qu’il y a de plus apparent, et, si je puis parler ainsi, de plus gros, c’est-à-dire qu’on distingue les os, les muscles, les nerfs, les tendons, les aponévroses, les ligamens, les veines, les artères et les viscères. Cette connaissance anatomique est parallèle à une connaissance physiologique de même valeur, et l’on sait qu’un muscle tire telle partie, que tel nerf communique le mouvement, tel autre le sentiment ; que l’estomac digère, que le foie fait la bile. En un mot, on a reconnu les usages tels qu’ils ressortent soit de la considération des parties, soit de cas pathologiques, soit d’expériences diversement instituées ; mais toutes les notions supérieures, qui ne peuvent en effet résulter que d’une anatomie également supérieures, font défaut. Les propriétés véritablement spéciales à un corps organisé n’ont point encore été rapportées aux élémens anatomiques qui les manifestent, car ces élémens eux-mêmes sont ignorés. Bien que l’on commence à posséder une masse assez notable de faits, on n’a donc point de