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une illusion singulière de croire que la paix est une œuvre facile, et dans ces conditions que reste-t-il à faire, si ce n’est à prendre tous les moyens de conquérir ces garanties qui sont devenues le symbole de la sécurité européenne en vertu de trois actes successifs et solennels, — l’échange de notes du 8 août, le traité du 2 décembre et l’interprétation récemment adoptée à Vienne ?

C’est là la question qui est posée aujourd’hui et qui se déliai avec un étrange, intérêt au sein de la confédération germanique, surtout entre les deux premières puissances allemandes, l’Autriche et la Prusse. Quelle sera, en fin de compte, la politique de l’Allemagne ? Dans quelle mesure est-elle disposée à prendre part aux événemens ? On ne saurait s’y tromper : ce n’est pas seulement au point de vue de la crise générale, qui agite l’Europe que la décision attendue de la diète de Francfort a une gravité inaccoutumée, c’est au point de vue, de la constitution germanique elle-même. Le concours des forces allemandes réunies peut être d’un grand poids sans nul doute ; mais la persistance dans l’inaction n’aurait plus désormais pour unique effet de retirer à l’Europe un appui, elle entraînerait une scission périlleuse et marquerait peut-être la fin de la confédération germanique. Dans ce grave débat, d’un cédé est l’Autriche avec sa politique aussi intelligente que décidée. Moins que tout autre peut-être le cabinet de Vienne croit à la paix ; il se fait si peu d’illusions sur l’issue des négociations diplomatiques, qu’il n’a point hésité un instant à accepter tous les engagemens du traité du 2 décembre, et c’est ici que se révèle véritablement ce qu’il y avait de grave, de décisif dans cette alliance, complète par elle-même. La paix n’étant point assurée au terme fixé, il n’a point été nécessaire de procéder à un acte nouveau. Il n’y avait plus qu’à délibérer sur les moyens d’exécution ; en d’autres termes, il ne restait qu’à négocier une convention militaire. C’est par suite de ces négociations sans nul doute qu’un commissaire militaire autrichien a été envoyé à Paris. En même temps le cabinet de Vienne réclamait de la Prusse l’exécution de la convention du 20 avril et de l’article additionnel du 26 novembre, en lui demandant la mobilisation de ses forces. Rien n’est moins ambigu que le langage tenu par M. de Buol dans une dépêche du 24 décembre. « La Russie est prête au combat sur la frontière, dit-il ; il devient, dans de telles circonstances, tous les jours plus urgent que la Prusse tienne prête la force nécessaire pour le but de la défense commune. » l’Autriche, s’est également adressée à la diète de Francfort pour lui proposer la mobilisation des contingens fédéraux ; elle ne balance même pas, dans le cas d’un refus, à exprimer l’intention de faire appel aux états allemands qui voudront se joindre à elle. Telle est la série d’actes accomplis par le cabinet de Vienne depuis quelques jours.

Quelle est d’un autre côté la politique de la Prusse vis-à-vis des puissances occidentales et de l’Autriche ? Le traité du 2 décembre a été évidemment un mauvais rêve pour la Prusse ; il n’a fait que réveiller ses jalousies contre l’Autriche. Le cabinet de Berlin a commencé par se plaindre que l’Angleterre et la France eussent négocié ce traité en dehors de la Prusse ; pouvait-il cependant ignorer que des négociations se poursuivaient assidûment à Vienne ? Il a demandé à conclure un traité séparé ; mais si ce traité portait