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l’avenir ; quand toutes choses se confondirent, la plus grande partie du chaud gagna la circonférence supérieure : c’est ce que les anciens me paraissent avoir nommé éther. Le second élément, placé inférieurement, s’appelle la terre, froid, sec et plein de mouvement, et de fait il a une grande quantité de chaud. Le troisième élément, qui est l’air, occupe, étant un peu chaud et humide, l’espace intermédiaire. Le quatrième, qui est le plus près de la terre, est le plus humide et le plus épais. » Ce sont, pour me servir de l’expression moderne, les principes médiats de l’auteur, principes qui, comme on le voit, ne peuvent servir à rien, puisqu’ils comprennent un agent impondérable, le chaud, — l’eau et l’air, qui sont chacun formés de deux gaz, — et enfin la terre, qui est un amas de substances diverses. Pois de là il ne passe pas aux principes immédiats, notion qui est en effet inaccessible pour lui, mais il passe aux organes mêmes, le cœur, les veines, etc., dont il explique la formation en supposant que les proportions de chaud varient dans les parties de terre. La généralité est ici patente ; c’est le chaud, principe actif et intelligent, qui, se mêlant à la terre, l’anime et lui donne toutes les formes vivantes des organes ; la généralité, dis-je, est patente, mais la réalité fait défaut, et, puisque de telles spéculations ont paru dignes d’occuper et ceux qui les écrivaient et ceux qui les lisaient, elles témoignent combien toute science positive était encore fermée aux esprits les plus actifs.

Pourtant ces spéculations qui touchent à l’histoire par ce témoignage y touchent aussi par un autre point qui a son importance. L’auteur, sentant qu’il était nécessaire de leur donner une base, avait dit : « Je n’ai besoin de parler des choses célestes qu’autant qu’il faut pour démontrer quelles parties sont nées et se sont formées, ce qu’est l’âme, ce qu’est la santé et la maladie, ce qu’est le mal et le bien dans l’homme, et par quelle cause il meurt. » Remarquez quelle est sa base : l’étude des choses célestes, c’est-à-dire l’astronomie. Or l’astronomie était la seule science qui, après les mathématiques, eût à cette époque acquis une certaine consistance. Sa base ne peut être la physique ni la chimie, qui n’existent pas, et qui cependant constituent autant de degrés pour monter à la conception de la biologie. Il y a donc un vaste intervalle que l’auteur essaie en vain de franchir et qu’il comble à l’aide d’hypothèses sans autorité et sans valeur. La faiblesse même de ces hypothèses, la vaste distance à laquelle elles sont de la réalité, donnent la mesure de la difficulté relative du problème, de l’insuffisance provisoire de l’esprit scientifique ; mais n’en considérez pas moins comme un fait très instructif cette nécessité qui oblige un auteur hippocratique à s’adresser à l’astronomie, pour concevoir la formation des parties vivantes, quand il pourrait, ce semble, se livrer sans contrôle à son