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venant plus avant dans les mouvemens intimes de la matière, donnent sur la vie des conceptions plus spéciales, et qui serrent davantage le problème. On a là un moyen de comprendre et de classer les systèmes de médecine : ils cessent d’être une aride série, qui, n’offrant point d’enchaînement, n’offre point d’instruction. Liés entre eux par leur rapport constamment historique avec l’ensemble de la connaissance, ils montrent la pensée biologique suivant, comme une aiguille aimantée, toutes les phases du savoir, et se tournant successivement vers celle des sciences qui l’amène à de plus grandes profondeurs, jusqu’à ce qu’enfin, les temps étant accomplis et ces notions préparatoires étant acquises, une illumination se fait dans quelque esprit puissant, et on met définitivement le pied sur le véritable domaine des idées générales de la biologie, et, partant, de la médecine.

La considération du corps organisé en son ensemble étant beaucoup trop complexe pour suggérer aucune généralisation satisfaisante, et, par suite, la dissection ayant cherché et isolé un nombre infini de parties dans ce tout, il fallut, on le voit, qu’une méthode plus puissante que celles qu’on avait employées jusqu’alors s’appliquât au problème. Cette méthode fut la comparaison. Entre les parties ainsi disséquées et isolées, elle nota des analogies, des ressemblances qui lui permirent d’analyser le corps tout autrement que n’avait fait la simple dissection. Au lieu de le partager en organes et en fragmens d’organes, elle le partagea en tissus, qui s’étendent sur des groupes d’organes, et qui partout offrent la même disposition, le même arrangement, et, je dois ajouter, les mêmes propriétés. À ce point de vue, le corps ne se présente pas comme une réunion d’organes ayant des configurations spéciales, mais il se présente comme une réunion de tissus ayant chacun sa texture. On peut dire, en se servant du langage mathématique, que la dissection simple est l’anatomie élémentaire, et que la dissection par comparaison est l’anatomie transcendante. C’est par cette voie que s’introduisit finalement l’abstraction ou généralisation dans l’étude de la biologie, qui dès lors, cela est évident de soi, se trouva constituée comme science. Elle n’eut plus à craindre d’être considérée comme un cas particulier soit de la physique, soit de la chimie, suivant que prévalaient les doctrines physiques et chimiques. L’esprit scientifique était, par ce dernier échelon, arrivé non-seulement à voir, ainsi que faisaient nos devanciers, la vitalité comme attribut total du corps, — attribut que tantôt, cherchant le côté positif, on confondait avec les phénomènes de chaleur, d’électricité, de chimie, et tantôt, cherchant le côté général, on adjugeait à la métaphysique ; — mais encore il était arrivé, combinant le côté positif et le côté général,