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qu’elle le déclare ouvertement ou s’en défende, s’applaudit certainement de n’avoir plus à redouter, à une quinzaine de lieues de ses côtes, les canons russes de Bomarsund; elle comprend bien d’une part qu’elle nous doit quelque reconnaissance, de l’autre que la campagne, même sans son utile secours, n’a pas été sans résultats.

Le Danemark de son côté, grâce au rétablissement du bon accord entre la nation et le roi, a rejeté enfin une partie des liens dans lesquels la diplomatie orientale avait su l’engager. Le changement tout récent du ministère danois n’est rien moins qu’un grand pas que le cabinet de Copenhague a tenté vers nous en s’affranchissant de l’influence prussienne. Le parti national a triomphé après une lutte de plus de deux années, calme, digne, qu’aucun excès n’a flétrie, et ce parti, qui comprend la nation presque entière, est celui qui hâte de tous ses vœux une franche et complète alliance avec la France et l’Angleterre, parce que de l’Orient, pense-t-il, ne peut venir qu’une influence de despotisme et de ténèbres, tandis que l’alliance occidentale ne peut être que bonne conseillère, favorable à la justice, aux lumières, à tous les droits les plus précieux de l’humanité.

Malheureusement ni le Danemark ni la Suède ne manquent d’hommes timides redoutant, malgré toutes les promesses qui doivent les rassurer, la colère d’un trop puissant voisin, ou bien d’esprits impatiens que les retards mécontentent et inquiètent. Il est curieux de suivre les efforts de la presse suédoise, par exemple, pour pénétrer les desseins du cabinet de Stockholm. Ce cabinet a plus d’une fois déjà couvert d’un secret inattendu ses dispositions extérieures, et le peuple suédois n’a connu, au commencement de l’année dernière, sa neutralité, déjà publiée au dehors, que par les feuilles danoises, qui, en publiant la déclaration de leur gouvernement, ont fait connaître que celle du cabinet suédois avait été conçue d’un commun accord et dans des termes identiques. Tout récemment, à l’occasion d’un crédit demandé aux quatre chambres par le roi de Suède en vue de la neutralité armée, une longue discussion s’est engagée, qui a amené de singuliers épisodes et de précieuses confidences. Comme l’opposition, dans l’espoir d’obliger le gouvernement à convoquer au printemps une diète extraordinaire, menaçait de faire rejeter la proposition soumise aux chambres, le roi manda auprès de lui le vice-président de l’ordre des bourgeois, M. Brinck. Il voulait apprendre directement quels griefs pouvaient arrêter la bourgeoisie; il était prêt à donner lui-même toutes les informations, tous les éclaircissemens qu’on demanderait. M. Brinck ne dissimula pas que l’ordre de la bourgeoisie se sentait peu disposé à donner un vote qui pourrait passer pour un témoignage de confiance envers un ministère dont l’éloignement avait été demandé par deux des quatre