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du profit, en déclinant, il faut le dire, l’honneur avec les dangers.

Sortons des incertitudes. Pour qui veut jeter un regard sur l’histoire des relations modernes du nord Scandinave avec la Russie, la participation de la Suède à la cause des puissances occidentales ne saurait être douteuse. La nation suédoise a subi du côté de l’orient des injures qu’elle ne peut pas avoir oubliées, et la dynastie de Bernadotte, française d’origine, aujourd’hui française et suédoise à la fois d’esprit et de cœur, ne brisera pas elle-même, contre la volonté des peuples qui l’ont adoptée, les liens qui la rattachent à sa première patrie. Les relations intellectuelles et morales rapprochent intimement la Suède de l’Angleterre et de la France; elles sont nulles entre la Suède et la Russie. Les nations scandinaves tiennent d’ailleurs pour redoutable à tous égards le voisinage de la Russie. Jalouses des avantages que réclament l’intelligence et la liberté, elles se tournent naturellement vers l’occident de l’Europe, source naturelle et toujours vive de la civilisation et du génie moderne. Jusqu’à ce que la France et l’Angleterre soient effacées de la carte, il ne sera donné à aucune force humaine d’arrêter le courant qui entraîne vers nous ces peuples, qui cherchent la lumière et invoquent le feu sacré avec des esprits et des cœurs dignes de le recevoir ; ils savent bien que la Russie ne serait capable, par l’influence des relations sociales, que d’en éteindre chez eux les plus précieuses étincelles. Peut-être est-il plus à propos que jamais de montrer, par l’incontestable témoignage de l’histoire, que l’ambition russe a été pour la Suède non-seulement un perpétuel danger, mais une cause jusqu’à présent inévitable d’affaiblissement et de ruine, et que si ce noble pays, au caractère héroïque, dépouillé principalement par la Russie de sa grandeur passée, semble entravé aujourd’hui dans le développement de ses institutions, c’est l’exemple absolutiste de sa puissante voisine qu’il en doit accuser. Le libéralisme sage et prudent des institutions est la loi inévitable de l’avenir, et, quoi qu’en disent les esprits timorés, le seul salut des nations modernes; il doit être en ce moment le lien commun qui réunira les peuples contre une ambition redoutable dont le moment est venu d’arrêter les progrès.


I.

Saint-Simon raconte dans ses mémoires que le tsar de Russie Pierre Ier, étant en Hollande à apprendre la construction des vaisseaux, « trouva sourdement mauvais que l’Angleterre ne s’était pas assez pressée de lui envoyer une ambassade dans ce proche voisinage... Enfin l’ambassade arriva; il différa de lui donner audience,