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qu’elles ont contractés alors, et s’engagent de nouveau à donner à leurs ministres résidens à Stockholm les instructions les plus expresses pour qu’agissant en confidence et d’un commun accord entre eux, ils travaillent de concert à prévenir tout ce qui pourrait altérer la susdite constitution du royaume de Suède et entraîner la nation dans des mesures contraires à la tranquillité du Nord. Si toutefois la coopération de ces ministres ne suffisait point pour atteindre le but désiré, et que, malgré tous les efforts des deux parties contractantes, il arrivât que l’empire de Russie fût attaqué par la Suède ou qu’une faction dominante dans ce royaume bouleversât la forme du gouvernement de 1720 dans les articles fondamentaux, en accordant au roi le pouvoir illimité de faire des lois, de déclarer la guerre, de lever des impôts, de convoquer les états et de nommer aux charges sans le consentement du sénat, leurs majestés sont convenues que l’un et l’autre de ces deux cas, savoir celui d’une agression de la part de la Suède, et celui du renversement total de la présente forme du gouvernement, seront regardés comme le casus fœderis. Et sa majesté le roi de Prusse s’engage, dans les deux cas sus-mentionnés et lorsqu’elle en sera requise par sa majesté l’impératrice, à faire une diversion dans la Poméranie suédoise, en faisant entrer un corps considérable de ses troupes dans ce duché. Ce présent article secret aura la même force et vigueur que s’il était inséré mot pour mot dans le traité principal d’alliance défensive signé aujourd’hui et sera ratifié en même temps.

« En foi de quoi il en a été fait deux exemplaires semblables, que nous, les ministres plénipotentiaires de sa majesté l’impératrice de toutes les Russies, autorisés à cet effet, avons signés et scellés du cachet de nos armes.

« Fait à Saint-Pétersbourg le 12 octobre 1769.

« VICTOR-FREDERIC, comte de Solms. G.-N. PANIN. PRINCE A. GALITZIN. »


Dans le même dossier qui contient ce précieux document, on trouve à la suite la minute autographe d’une pièce écrite par le comte Scheffer, ministre et ami de Gustave III, et réfutant avec calme et dignité, mais avec une dialectique puissante, les prétentions inadmissibles de la Russie et de la Prusse. Il est incontestable que la convention secrète de ces deux puissances présageait à la Suède le même sort qu’elles avaient réservé à la Pologne. Il est clair que dans la pensée de Frédéric et de Catherine, l’anarchie de la Suède devait amener un premier partage, en vue duquel la Poméranie et la Finlande étaient déjà destinées aux deux hautes parties contractantes; Catherine aurait ensuite exercé sur la Suède le même protectorat que sur la Pologne, en attendant le second partage, dans lequel, au besoin, on aurait admis un troisième complice.

L’énergie de Gustave III déjoua cet odieux complot. Éclairé de bonne heure par la haine profonde que sa mère lui avait inspirée contre une oligarchie rivale de la royauté, Gustave, dès l’âge de vingt ans, sans connaître les plans arrêtés par les ennemis de la Suède, avait pénétré l’avenir et aperçu les malheurs et la honte que