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On laissa donc les troupes de Finlande disséminées dans leurs cantonnemens de paix, et la ligne frontière gardée seulement par une faible chaîne de postes isolés.

Cependant les Russes accumulaient depuis longtemps des troupes à peu de distance de la frontière suédoise; tout à coup, profitant de la sécurité de l’ennemi, ils envahirent la Finlande suédoise en franchissant le Kymene-elv (8-20 février 1808) sur trois points. Ils n’avaient pas plus de seize mille hommes, mais la surprise causée par leur subite et facile invasion, des apparences adroitement ménagées, une grande activité de marches et d’armemens ostensibles dans le pays voisin du nouveau théâtre de la guerre, avaient déjà répandu en leur faveur l’opinion d’une grande force numérique. Le général russe, comte Buxhovden, ayant envoyé demander le libre passage à Aborfors, le parlementaire avait essuyé quelques coups de fusil, et la guerre s’était ainsi ouverte sans aucune déclaration de la part des assaillans. Deux proclamations avaient été seulement publiées, dont l’audace avait étonné la Suède. La première déclarait sans préambule que « le tsar avait pris la résolution de réunir la Finlande au reste de l’empire sous son gouvernement paternel, et qu’il convoquait les représentans du pays à Abo, afin de les faire délibérer sur les premières mesures que pouvait réclamer le nouvel état de choses. » La seconde affirmait que c’était pour le bonheur des Finlandais qu’on envahissait leur territoire; elle les engageait à rester paisibles, promettait le maintien d’une discipline sévère, le paiement exact de toutes les fournitures destinées à l’armée et le respect des institutions et des croyances religieuses. A l’ironie on ajoutait l’injure, en publiant, comme le fit le général Buxhovden, un tarif de récompenses à ceux des soldats finlandais qui voudraient trahir leur patrie et livrer leurs armes : deux roubles pour chaque fusil, un rouble pour chaque sabre, dix roubles pour un cheval !

Cette odieuse invitation fut reçue avec mépris et ne servit qu’à animer la résistance nationale. Tout paysan prit les armes, tout buisson et tout rocher, dans ce pays de surprises, cacha un défenseur; le nom de Russe y était détesté; en Russie même, rien de moins populaire alors que l’alliance avec Napoléon, et que cette invasion de la Finlande, réputée fort périlleuse; l’ennemi d’ailleurs n’était pas nombreux; sans parler de renforts, les contingens réunis dans la Finlande atteignaient au chiffre des assaillans. Il était donc possible, il semblait même facile, si l’on secondait le mouvement national, de défendre et de conserver la Finlande. Malheureusement l’étrange instruction que l’on reçut du roi recommandait qu’on ne fortifiât que les deux principales forteresses : Svéaborg, en avant d’Helsingfors, et Svartholm, qui, défendant l’accès de la petite ville de Lovisa, ne