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Si l’on ouvre les compilations de la renaissance, on y trouve une masse d’érudition indigeste sur les gemmes. Malgré l’incertitude des noms appliqués à plusieurs pierres précieuses, on lit toujours Pline, compilateur lui-même d’ouvrages plus anciens qui sont perdus, mais surtout écrivain de premier ordre, qui osa composer l’histoire de la nature, comme on avait, avant lui, composé celle de divers peuples. Ce mot histoire naturelle est devenu depuis longtemps d’un usage si familier, que cette idée d’écrire l’histoire des êtres qui composent le monde, minéraux, végétaux et animaux, a tout à fait perdu pour nous son originalité. Il n’est pas inutile d’insister sur ce point, que la science, dans ses progrès continus, est devenue de plus en plus modeste, car chez les Grecs le mot nature, physis, avait pour signification la génération ou l’origine des êtres. Le même mot chez les Romains se rapportait à la naissance des êtres sans remonter à leur principe. Enfin, chez nous, le mot nature s’applique à l’ensemble des êtres de toute sorte qui constituent, occupent ou peuplent le monde physique, indépendamment de la cause ou des moyens qui les y ont placés. Là, comme partout ailleurs, la science, pour devenir positive et faire des progrès réels, a quitté les ambitieuses spéculations métaphysiques pour les sages observations de la nature, et la théorie pour les faits.

Il ne serait pas sans intérêt de suivre l’histoire des gemmes à travers celle de l’humanité, depuis l’éphod d’Aaron jusqu’à la croix pastorale de Mgr l’archevêque de Paris; depuis les offrandes de rubis, de saphirs, d’émeraudes, de diamans, de topazes, de sardoines, d’améthystes, d’escarboucles, de pierres d’aimant, faites dans les temples de Jupiter et des autres divinités païennes, jusqu’aux richesses de même nature qui, avant le XVIe siècle, s’étaient accumulées dans ce qu’on appelait le trésor des basiliques chrétiennes. On conserve encore à Rome une émeraude du Pérou, envoyée en hommage au pape après la conquête de ce pays. On doit cependant remarquer que ces précieux dépôts, provenant de la piété des fidèles, n’ont pas toujours été fidèlement respectés. Lorsque la réformation de Luther et de Calvin dans les pays allemands, et plus tard la révolution française dans les pays restés catholiques, transmirent aux autorités civiles la possession de ces richesses votives, on a pu constater que bien des substitutions frauduleuses avaient été opérées, et que le strass avait bien souvent remplacé la gemme primitive.

La fameuse exposition de Londres en 1851 s’enorgueillissait d’un grand diamant, le Koh-i-noor (montagne de lumière), enlevé aux maha-radjas de l’Inde et envoyé à la reine Victoria. Cette pierre, aussi mal taillée que mal éclairée, ne produisait aucun effet. La taille du Koh-i-noor a occupé les derniers loisirs du grand Wellington;