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à cause de la difficulté de le vendre secrètement. On cite, comme un fait remarquable dans les singularités de l’esprit humain, que l’auteur de ce vol. jouissait au bagne parmi ses confrères d’une considération proportionnée à l’importance du vol. qui l’y avait conduit. Où la considération va-t-elle se nicher !

Mais la merveille des diamans colorés, c’est le diamant bleu de M. Hope, dont la figure a été gravée dans le livre de l’exposition de Londres. Mawe qualifie cette pierre de superlativement belle. Elle pèse 44 carats 1/4, et, suivant M. Tennant, unit la belle couleur du saphir aux feux prismatiques et à l’éclat du diamant. Tous ceux qui, dans nos brillantes assemblées de nuit, ont étudié le jeu et l’effet des pierres précieuses ont dû remarquer que le saphir, si beau dans le jour et sous les rayons du soleil, devient, ainsi que le grenat, terne et sans éclat à la lumière des lampes, des bougies et du gaz. Il serait curieux d’observer si le même effet se produit avec le diamant bleu de M. Hope, dont je n’hésite pas à placer la valeur à côté de celle des diamans souverains, qu’il surpasse, sinon en poids, du moins en rareté. Ce serait trop peu d’appeler, avec les amateurs, ce diamant une pierre d’affection ; il faudrait aller avec lui à la tendresse, à la passion même ! J’ai vu, il y a fort longtemps, chez M. Bapst un diamant dé- signé sous le nom de diamant noir. Il avait la teinte bistrée du jus de tabac, et ne se recommandait guère que par la singularité. Il avait été retenu par Louis XVIII pour la couronne au prix de 24,000 fr. ; mais il n’avait pas été livré. Ces diamans sont toujours taillés très minces, car à quoi servirait l’épaisseur à une pierre qui n’est pas transparente ? Du reste, l’éclat superficiel en était fort vif. Si ce diamant était devenu pour un amateur une pierre d’affection, on conviendra qu’il ne faut pas disputer des goûts. Il est curieux de voir Pline employer le même mot à l’occasion de Nonius, possesseur d’une belle opale, qui aima mieux quitter Rome comme proscrit que de céder à Antoine sa pierre d’affection. « C’est une étonnante férocité de la part d’Antoine, dit Pline, que de proscrire un citoyen à cause d’une gemme ; mais l’entêtement de Nonius n’est pas moins prodigieux, car plutôt que de s’en dessaisir il affectionnait sa proscription (proscriptionem suam arnantis). » En lisant du reste les interminables listes des propriétés merveilleuses des gemmes dans les compilateurs qui ont précédé le XVIIe siècle, on s’expliquera le prix que certaines personnes pouvaient autrefois attacher à la possession d’une pierre. Parmi les curiosités que les princes indiens, grands amateurs de diamans, recherchent avec soin, j’ai vu un petit diamant naturel, à pointes vives et à surfaces brillantes, enchâssé dans le ciment rouge qui enveloppe ordinairement les diamans dans la mine. Ce ciment, de la grosseur d’une petite noisette, portait à son