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extraite des cendres des végétaux brûlés. C’était un beau résultat scientifique, mais peu lucratif, puisque chaque pièce de 20 francs lui revenait à 125 francs de frais d’extraction. A voir les résultats obtenus, il se passera bien des années encore avant qu’un diamant d’un carat sorte d’un laboratoire.

Encore un mot sur une question intimement liée à celle du haut prix justement attaché au diamant à cause de la beauté et de la rareté de cette parure : je veux dire la question du luxe considérée au point de vue des agrémens de la vie élégante, the high life. Quand un pays laborieux, actif, intelligent, comme la France, l’Angleterre ou l’Union américaine, a conquis les élémens des jouissances délicates de la civilisation, ne serait-il pas absurde de vouloir le priver de ces biens qui n’ont rien de contraire à ce que j’appellerai son hygiène politique ? Les premiers de ce peuple, les possédans, laisseront-ils de côté leurs avantages pour aller disputer aux moins favorisés par la fortune ce que ceux-ci consomment dans une sphère inférieure ? Les manufactures perfectionnées qui tissent à grands frais les vêtemens du riche font économiquement le vêtement du pauvre, et dans les contrées sans industrie manufacturière, où les premiers d’entre le peuple sont grossièrement habillés, la classe inférieure ne porte que des haillons. Il y a une solidarité forcée dans toute société humaine. L’intelligence et le travail, la pensée et l’action, la tête et la main, tout est coordonné, et, suivant la belle idée de Fontenelle, après avoir bien raisonné sur toute chose, on arrive toujours à ce résultat, que ce qui est a une raison d’être, et qu’on serait fort embarrassé non-seulement de faire mieux, mais encore de faire autrement. Un prélat rigoriste, trouvant un jour de jeûne Charlemagne assis, longtemps avant le soir, à une table abondamment servie, blâma et son repas peu frugal et l’heure à laquelle il le prenait. « Ne voyez-vous point, lui dit le sage empereur, que si je ne mangeais pas à cette heure, les derniers de mes gens n’arriveraient à prendre leur repas qu’au milieu de la nuit, et que si ma table était moins bien servie, il ne resterait rien pour eux ?»


BABINET, de l’Institut.