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parmi les défenseurs et même les serviteurs du roi. Étranger à toute combinaison de parti, à tout plan systématique, peu préoccupé de réformer, pour l’avenir, la constitution de son pays, il combattait, dans le présent, l’injustice, l’illégalité, le désordre, la violence, sans se soucier des maximes abstraites ou des espérances lointaines au nom desquelles on se les permettait. Les procédés du parlement contre lord Strafford lui parurent arbitraires et la peine excessive; il défendit lord Strafford, qu’il avait d’abord attaqué. Les chambres avaient voté qu’il ne convenait pas que leurs membres se missent au service personnel de la couronne; il accepta, bien qu’à regret, la charge de conseiller privé, puis celle de gentilhomme de la chambre du roi. La guerre civile éclata; il la détestait et n’en espérait point de victoire heureuse, quel que fût le vainqueur; il prit sur-le-champ parti dans l’armée royale, se trouva à la bataille d’Edgehill, et suivit à Oxford la cour, qui lui déplaisait chaque jour davantage. Il y conserva toute son indépendance et sa fierté susceptible. Il s’était exprimé un jour, dans le conseil, en termes assez durs sur le prince Robert et ses prétentions arrogantes envers les grands seigneurs anglais. Informé du propos avec exagération, comme il arrive, le prince lui fit demander si c’était vrai. Le comte avoua et maintint ses paroles, en les rétablissant exactement. Robert, persistant à s’en trouver blessé, lui fit dire qu’il espérait en recevoir de lui satisfaction, et le rencontrer bientôt à cheval, l’épée à la main. Ils se virent le lendemain : « Quelles armes choisissez-vous ? lui demanda le prince. — Je n’ai ici, dit le comte, point de cheval propre à ce service; je ne saurais où en trouver un sur-le-champ; je suis d’ailleurs trop petit et trop faible pour me mesurer ainsi avec votre altesse; je la prie de m’excuser et de permettre que je choisisse les armes dont je puis me servir; je me battrai à pied et au pistolet. » Robert accepta sans difficulté; les témoins furent désignés, et le rendez-vous fixé au lendemain; mais l’affaire avait fait du bruit; les lords du conseil intervinrent, firent fermer les portes de la ville, appelèrent les témoins et réussirent à réconcilier le comte avec le prince, qui le traita depuis lors avec les plus grands égards.

La guerre civile terminée et le roi tombé au pouvoir du parlement, lord Southampton rechercha ardemment les occasions de l’approcher et les moyens de le servir. Quand il y eut échoué, quand le procès, la condamnation et l’exécution de Charles ne lui laissèrent plus rien à espérer, ni à tenter, il ne se tint pas quitte de tout devoir envers son royal maître; le 18 février 16’9, le jour où les restes de Charles Ier devaient être ensevelis au château de Windsor, lord Southampton y arriva, lui quatrième, pour accompagner jusqu’à la porte du caveau sépulcral le cercueil du prince qu’il n’avait pu