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timide ni de rester en-deçà de l’énergie moyenne de son parti. Et, s’il ne se montra pas au-dessous d’une situation qu’il n’eût pas choisie, il se serait de bon cœur contenté d’une autre et moindre gloire. Sans les provocations et les outrages de la révolution française, on peut même douter qu’il eût par pure politique accepté ou du moins soutenu si longtemps le rôle de son plus persévérant antagoniste. Aussi, lorsqu’elle éclata, ne s’en mit-il pas fort en peine. Il ne prévit pas la possibilité d’une complication européenne où son pays pût être engagé, il se réjouit plutôt pour l’Angleterre de voir sa rivale absorbée par des soins domestiques ; il compta sur des jours de repos. Depuis la paix de 1783, il s’était moins préoccupé des questions étrangères qu’on ne le supposerait à voir comme il a rempli les quinze dernières années de sa vie. Plus que lui, Fox tenait les yeux ouverts sur le monde. C’est plutôt Fox qui semblait animé de l’esprit de Chatham.

Nous avons dit que le premier effet de la révolution française fut de changer ses idées de politique extérieure. Jusque-là Fox n’avait vu dans la France qu’un adversaire, non pas seulement de la gloire de l’Angleterre, mais des principes de son gouvernement. Il la jugeait comme un homme d’état du temps de Guillaume III : il avait pensé à lui chercher des contre-poids ou des oppositions dans les cours du Nord, et jusque sur la terre classique du despotisme, la Russie ; mais tout changea en un jour. Il éprouva, dès le premier moment, cet amour de tous les hommes de 89 pour les idées de la France, pour le drapeau qu’elle élevait d’une main si noblement téméraire. Destiné, comme eux tous, à de si cruels mécomptes, à la perte de tant d’espérances, à l’affreuse nécessité de soutenir les criminels en détestant le crime, il devait conserver jusqu’au terme ce fonds de tendresse obstinée pour la cause et pour le pays qui a payé si cher l’honneur de l’avoir embrassée. Acceptant sans regret ou du moins sans faiblesse la solidarité, souvent pesante, que la France de la révolution a imposée par le monde à tous les amis de la liberté, il a consenti à être méconnu, accusé pour elle, à encourir toutes les disgrâces, non-seulement des cours, léger sacrifice, mais de l’opinion, amère et rude épreuve. Triste, navré souvent, découragé pour son pays plus peut-être que pour le nôtre, il est resté inébranlable dans ses sentimens, résigné à souffrir avec nous, à nous plaindre, à s’indigner même contre nous, à ne jamais nous haïr. C’est là ce qui doit rendre à toujours le nom de Fox cher à la France.

Ses intimes sentimens se révèlent dans sa correspondance avec lord Holland. Ce neveu, qui lui fut cher comme un fils, était encore à l’université d’Oxford, qu’en lui parlant d’Hérodote et de Démosthène, il l’entretenait de ses travaux parlementaires, du bill qu’avec