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assez pâle de ses discours ; elle ne prouva qu’une chose, c’est qu’il était loin d’écrire comme Burke.

Heureusement pour lui, cette pénible époque de sa vie publique fut celle d’un changement inespéré dans sa vie privée. Il vint à bout des passions de sa jeunesse. Tel était le fond excellent de cette noble nature, qu’il se retrouva, vers la maturité de l’âge, toute la fraîcheur d’une vive sensibilité pour les biens qui font le bonheur d’une existence régulière et modeste. Le goût de l’étude et de la campagne, les affections domestiques reprirent sur lui un empire sans partage. Le jeu cessa de dévorer son temps et sa fortune. Quelquefois d’heureux hasards avaient paru rétablir ses affaires ; plus souvent il avait été puni de ses imprudences. Enfin ses amis intervinrent, et au mois de juin 1793 une réunion de whigs, présidée par le serjeant Adair, et sur la proposition de Francis, décida qu’il était du devoir du parti de l’arracher, par une marque de sa reconnaissance, à une situation précaire. Lord John Russell (le dernier duc de Bedford) et lord George Cavendish furent chargés d’exécuter ces généreuses intentions. Fox accepta ce service noblement offert, et y répondit en changeant de vie pour jamais. Sa vivacité impétueuse et l’abandon de son caractère l’avaient pendant une trop longue jeunesse entraîné à de changeantes amours. On cite une femme qui portait le nom gracieux et funeste de Perdita, avec laquelle il n’avait pas craint de se montrer publiquement. Depuis quelques années, mieux inspiré, il s’était attaché à une personne qui, malgré une réputation compromise, n’était pas indigne de son affection. On lit dans quelques écrits que Mme Armitstead avait attiré les regards de George II. Quoi qu’il en soit, elle sut inspirer à Fox une affection sérieuse, que le temps calma sans l’affaiblir. Par sa douceur, par son dévouement, par le bonheur qu’elle lui donna, cette femme releva peu à peu la situation qu’elle accepta près de lui. Après avoir habité quelques années sa maison sans prendre son nom, elle acquit en 1795 le droit de le porter, quoique cette union n’ait été rendue publique que sept ans plus tard. Dans toutes ses lettres, il parle d’elle avec une vraie et délicate tendresse, et c’est pour elle qu’il composa les seuls jolis vers, je crois, qu’il ait faits.

Il possédait en Surrey le petit domaine de Saint-Ann’s hill. Ce lieu très agréable était devenu son séjour favori. Du haut d’un tertre où s’élevait un grand hêtre solitaire, il passait des heures à lire en contemplant le cours riant de la Tamise, entre Chertsey et Windsor. Il avait toujours eu le goût de l’exercice ; il était grand chasseur, excellent nageur ; les occupations de la campagne le captivèrent de plus en plus ; il aimait la botanique, bientôt il aima l’agriculture, et dans ses lettres familières, au milieu des confidences politiques, on