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le pouvoir arbitraire. Quand l’opposition s’en plaignait, on n’avait plus la ressource de lui répondre comme autrefois : La France fait pis ; les crimes de la terreur avaient cessé. Et cependant l’agitation, au fond assez vaine, de la démocratie anglaise continuait à dispenser le pouvoir de compter avec l’opposition. Les chambres ne voulaient rien entendre. Jamais Fox n’éprouva plus de découragement. Il trouvait la situation presque désespérée. Parmi les essais de Hume, il y en a un où il examine comment doit mourir de sa belle mort le gouvernement anglais, et il conclut que le despotisme est l’euthanasie d’une telle liberté. Fox croyait voir les symptômes de la fin prédite par le philosophe sceptique. Il se dit qu’une opposition prolongée à l’inconvénient d’être inutile pourrait ajouter le danger de décréditer sa résistance, d’irriter encore les préventions du public. Cette considération, et sans doute aussi sa disposition personnelle, sa lassitude d’une lutte stérile, le dégoût qu’inspire par moment l’injustice humaine, une passion croissante pour le loisir et la retraite le décidèrent à se retirer de la vie active et à cesser de suivre les séances du parlement. De 1798 à 1801, on ne trouve pas un discours de lui dans les recueils. Cette sécession, comme l’appellent les Anglais après les Romains, fut moins une tactique qu’un mouvement spontané. À l’ouverture du parlement, en novembre 1797, les bancs de l’opposition furent laissés vides, et son absence fut blâmée, comme au reste l’eût été sa présence. Fox n’a jamais prescrit aux whigs de s’abstenir systématiquement, et il a toujours expliqué sa conduite par des motifs personnels Il croyait avoir rempli sa tâche, et il cédait au goût du repos. L’opposition cependant voulut montrer que pour ne plus rien espérer du parlement, elle n’avait ni abjuré ses principes, ni perdu son courage. Pour célébrer l’anniversaire de la naissance de Fox, il y eut dans une taverne de Londres un grand banquet. Le duc de Norfolk le présidait, et il porta ce toast : « Notre souverain, la majesté du peuple ! » Horne Tooke prit la parole pour faire l’éloge de Fox. C’était une de ces manifestations qui servent plus à tromper l’opposition sur son impuissance qu’à émouvoir l’opinion ou à ébranler le gouvernement. Pitt était d’avis qu’on dédaignât celle-ci. Du moins eut-il soin de désapprouver, en la laissant prendre la double mesure par laquelle le duc de Norfolk perdit la lieutenance de son comté, et Fox fut rayé de la liste du conseil privé. Il en résulta, peu de temps après, un nouveau banquet au club whig, où Fox répéta pour son compte le toast dont la cour s’était offensée[1].


Une nouvelle révolution avait livré la France à un gouvernement

  1. Mirabeau, attribuant à Chatham cette expression la majesté du peuple, dit que ces mots sont la charte des nations. Voltaire les met dans la bouche de Shippen, membre jacobite de l’opposition sous Walpole.